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Il faudra attendre la Révolution française puis les mœurs « faciles » du Directoire pour voir l'utilisation et le commerce du préservatif légalisés. Des boutiques, telle celle de Gros Millan, autour du Palais-Royal, se spécialisent dans la vente de cet article encore élitiste. Ce commerce, pour lequel les vendeuses étaient entraînées à avoir l'œil juste pour évaluer les tailles afin de ne vexer personne, devint rapidement des plus florissants. C'était l'époque où les longueurs des préservatifs étaient multiples et les hommes souvent vantards. Il fallait savoir discerner le client prétentieux de celui qui, par manque d'assurance, pouvait induire en erreur le marchand, le conduisant à sous-estimer la taille.

Les préoccupations des Révolutionnaires orientèrent le préservatif sur un autre terrain que celui du seul plaisir : le contrôle des naissances préoccupait déjà, la fécondité étant en baisse sensible. Condorcet le confirme en 1793, tout en affirmant que la limitation des naissances sera nécessaire, conséquence de l'augmentation de l'espérance de vie. Cinq ans plus tard, en Grande-Bretagne, Malthus publie un essai établissant que la population s'accroît plus rapidement que les richesses naturelles. Le malthusianisme prône donc la limitation des naissances, essentiellement par l'abstinence, seule façon à ses yeux d'éviter la misère. Pourtant, à cette époque, le préservatif devient dans de nombreux esprits ouvertement contraceptif : ayant été reconnu utile pour la prévention des infections, ce n'est que plus tard que son utilité contre les grossesses non désirées fut reconnue. Dans le courant du XIXè siècle, une amélioration sera apportée au préservatif, lorsque le lin sera trempé dans une solution chimique et ensuite séché avant emploi. Ce fut les premiers spermicides sur les condoms.

 

Personne n'avait songé à discuter l'étymologie du substantif « Condom » lorsqu'en 1817, le médecin allemand François Xavier Swediaur, né en Autriche en 1748, affirma que ce nom de Condom était celui de l'inventeur de l'ustensile, le docteur Condom, médecin anglais du XVIIIè siècle. Ce Docteur Swediaur était célèbre : installé à Paris depuis les premiers jours de la Révolution après avoir travaillé à Londres et publié de nombreux ouvrages en latin, en anglais et en français, lié avec Danton, il se fit naturaliser français. Spécialiste des maladies vénériennes, son œuvre principale publiée en 1798 est un « Traité complet des maladies syphilitiques ». Voici un extrait de son texte : « Condom : nom d'un Anglais, inventeur de ces petits sacs destinés à préserver contre les suites d'un coït impur et qui ont gardé le nom (…). C'est un nommé Condom qui a inventé les fameuses enveloppes ou gants, connus aujourd'hui en Angleterre par un usage très répandu sous le nom de condoms et à Paris sous celui de redingotes anglaises. Ces petits sacs, qui réunissent à l'avantage de garantir parfaitement bien la partie celui de n'avoir aucune suture, se font avec de l'intestin cæcum des agneaux, lavé, séché et ensuite rendu souple en le frottant avec les mains, avec du son et un peu d'huile d'amandes. Une telle découverte qui, par son utilité, mériterait à son auteur toute la reconnaissance des hommes éclairés, n'a fait que le déshonorer dans l'opinion publique, il a même été obligé de changer de nom… ».

Le docteur Condom, médecin de Charles II d'Angleterre, aurait le premier démontré le rôle contraceptif du préservatif. Certains prétendent qu'il était médecin, d'autres colonel et que Charles II était tellement ravi de cette invention qu'il le fit Chevalier. Tout laisse cependant à penser que le docteur en question n'ait jamais existé, si ce n'est dans l'imagination de Swediaur. La première mention de ce nom se trouve dans « A Scots answer to a British vision », un poème qui fut probablement écrit par John Hamilton en 1706. Très vite, de nombreux anonymes se manifestent et, en 1708, le poème « Almonds for parrots » (« Amandes pour perroquets ») laisse échapper ces quelques mots peu encourageants : « cette heureuse invention (…) éteignait la chaleur du feu de Vénus et préservait la flamme du désir de l'amour ». Plusieurs théories circulent quant à l'origine du nom « Condom ». Pour l’allemand Richter, le mot viendrait, selon ses recherches, du mot perse Kendü (ou Kondü) qui serait un réceptacle, en intestin animal, utilisé par les paysans pour y entasser le blé. Une autre version de l'origine étymologique du condom affirme que cette invention serait le fait des bouchers des abattoirs de la ville de Condom, au cœur du Gers (traversée par la rivière Baïse) qui eurent l'idée, grâce à des morceaux d'intestins d'animaux, de se prémunir contre les maladies vénériennes. Si les abattoirs, et donc les bouchers, étaient particulièrement nombreux dans la région, rien ne permet d'affirmer que ces derniers sont responsables de la découverte du mot ou de l'objet qui s'y rattache. Le nom condom donné à ses fourreaux serait, en fait, la simple transcription du nom condum, choisi par les Anglais et provenant du verbe latin « condere », qui signifie cacher, protéger ou du mot latin « condus », qui veut dire « respect » (sachant que « con / cuni » signifie autant le vagin qu’un lapin).

Les noms de « Condom » et « Redingote anglaise » furent dans le langage courant remplacés par « Capote anglaise », encore employée de nos jours. On le rencontre dès le Second Empire dans le premier vers de l'une des poésies de Théophile Gautier, publiées clandestinement à Bruxelles en 1864, sous le titre de « Parnasse satyrique du XIXè siècle » : « Ainsi qu’une capote anglaise Dans laquelle on a déchargé, Comme le gland d’un vieux qui baise, Flotte son téton ravagé ».

Conçu à partir d'un intestin animal, un préservatif français d'environ 20 centimètres et datant du début XIXè siècle possédait un galon de soie lui permettant d'être maintenu sur le sexe. Mais ce qui en fait une pièce historique à part entière demeure la scénette présente sur le préservatif : une religieuse désignant d'un doigt assuré, parmi trois ecclésiastiques en érection, son futur amant, annonce : « Voilà mon choix ! ».

En membrane animale, les préservatifs pouvaient être réparables. Le texte suivant, datant de 1808, en est la preuve : « Si la membrane travaillée a été légèrement perforée, alors on bouche les trous en collant des lambeaux membraneux dessus et de pareils condoms sont souvent vendus sans garanties. On s'aperçoit de ces reprises à l'éclat particulier de la colle lorsqu'on examine la membrane du côté des retouches à l'intérieur de la capote. L'humidité détache souvent pendant le coït les pièces collées sur les trous et la membrane même la mieux raccommodée peut alors se déchirer complètement au moment où son intégrité importe le plus ».

 

Au XIXè siècle, Thomas Malthus constata que la courbe des naissances dépassait la courbe des subsistances. Il prôna le recours à un contrôle des naissances qui n'empêcherait pas le plaisir. À l’opposé, les Révolutionnaires étaient également préoccupés par le contrôle des naissances, mais parce que la fécondité était en baisse sensible. Condorcet le confirma en 1793, tout en affirmant que la limitation des naissances sera nécessaire, conséquence de l'augmentation de l'espérance de vie. Sous Napoléon, en 1810, l’article 317 du Code pénal stipule que l'avortement n'est plus assimilé à un infanticide même s’il est un crime passible de la Cour d'assises, la France voulant voir croître sa population. En 1820, le code pénal français met dans le même sac celles qui avortent et ceux ou celles qui les aident puisqu'il punit de réclusion les personnes qui pratiquent, aident ou subissent un avortement. Les médecins et les pharmaciens sont condamnés aux travaux forcés.

À partir de 1850, on peut percevoir la montée progressive d'un hédonisme sexuel dans la population : les pratiques sexuelles se sont peu à peu libéralisées et diversifiées, le rapport au corps s'est fait moins prude, les relations prénuptiales et extraconjugales plus fréquentes. La période 1850-1950 marque ainsi un tournant essentiel dans la généralisation de la limitation des naissances par la méthode masculine du coït interrompu, ce qui implique un changement considérable dans les pratiques sexuelles.

 

En 1827, au Japon, le préservatif était connu en tant que Kawagata (ou Kyotai) et était fabriqué en cuir. À côté de cela les Japonais utilisaient aussi des préservatifs en écaille de tortue ou en corne. Le préservatif de caoutchouc est né lui après l'invention de la vulcanisation par Goodyear en 1839. En 1790, Samuel Peal, un industriel britannique, brevète une méthode permettant, en mélangeant de la térébenthine avec du caoutchouc, d'imperméabiliser des tissus. En 1811, l'Autrichien Johann Nepomuk Reithoffer fabrique les premiers produits en caoutchouc. En 1823, la découverte du procédé d’imperméabilisation des tissus par dissolution du caoutchouc dans un solvant (du naphte porté à ébullition) permet au chimiste écossais Charles Mac Intosh de confectionner les premiers imperméables. Il se mettra à fabriquer industriellement en 1870 des capotes en caoutchouc appelées « feuilles anglaises » (« French letters » en Angleterre). Devant l'ampleur du succès, 80 ouvriers de l'usine s'affairaient à confectionner, l'été, des ballons pour enfants et, durant l'hiver, des préservatifs. Un marché porteur, puisque Mac Intosh exportait deux tiers de ses capotes, les meilleures vers la Russie et l'Autriche, et, sans raison apparente, les moins fiables vers l'Espagne, le Portugal, l'Italie et la France. Les frères Goncourt en parlent en 1887 dans le « Journal des Goncourt », sous l’appellation de « Capote anglaise » : « Léon Daudet, qui m'accompagne et qui a assisté à l'ouverture de la maison de Hugo, disait que les armoires étaient bondées de "Capotes anglaises" d'un format gigantesque...et que c'était gênant de les faire disparaître en la présence de Madame Charles Hugo...! ».

En 1842, Charles Goodyear découvre la vulcanisation, qui permet de stabiliser le caoutchouc afin qu'il résiste mieux aux écarts de température. En 1853, l’Américain Hiram Hutchinson achète les brevets de Charles Goodyear et adapte le caoutchouc aux bottes. En 1843-1844, Goodyear et Hancock commencent la production en masse de préservatifs fait à base de caoutchouc vulcanisé (il faudra attendre 1868 pour que les pneus pleins pour vélocipèdes soient inventés). La vulcanisation est un procédé qui transforme le caoutchouc brut en produit élastique, permettant des préservatifs plus résistants et réguliers en épaisseur que les boyaux animaux.

Une deuxième révolution dans la production de produits en caoutchouc, dont le préservatif, est l'utilisation du latex liquide à la place du caoutchouc. Les techniques de production connaissaient également une évolution grâce à l'automatisation. Le premier à utiliser ces techniques était British Latex Products qui s'appellera plus tard London Rubber Company [rubber vient de robre, le rob étant un suc épaissi et rendu pur de plantes ou fruits cuits ; le mot d’ancien français rober (dérober) s’appliquait aussi au jeu, étant un ensemble de plusieurs parties de bridge]. Vers 1880, le premier préservatif en latex est produit mais il faudra attendre les années 1930 pour que son utilisation se répande. Il est d’ailleurs à noter que de nombreux hommes (tels les Hollandais, les Anglais ou les Américains), continuent d’utiliser encore aujourd’hui des boyaux, ces utilisateurs estimant qu’ils apportent plus de plaisir.

 

Cette « officialisation » de la capote va donner des ailes à de nombreux opportunistes. C'est ainsi qu'apparaissent, en 1883 sur le marché Petticoat lane, en Angleterre, des boîtes de préservatifs arborant le visage de la reine Victoria ou celui du Premier ministre Gladstone. En 1889, Paul Robin crée à Paris le premier centre d'information et de vente de produits anticonceptionnels. Mais la vente de préservatifs reste confidentielle, destinée prioritairement aux filles de « mœurs légères » ou aux soldats. Naissent également des réclames pour des « vêtements imperméables à usage intime », au sein de publications légères, voire grivoises. Ces magazines, aux titres évocateurs tels que « Pour lire à deux », gardent toujours une colonne libre pour annoncer les nouvelles créations de la marque Excelsior (comme des préservatifs en baudruche blanche – pellicule de boyau de bœuf ou de mouton ; le ballon de baudruche moderne a été inventé par le scientifique Michael Faraday en 1824, généralement en latex –, garanties incassables) ou de la Librairie de la lune, maisons spécialisées dans l’« hygiène », ainsi que la sortie de leurs nouveaux catalogues de vente par correspondance destinés à ceux qui, trop timides, n'osent aller en pharmacie.

La richesse et la diversité des produits de ces maisons n'ont rien à envier au catalogue de la célèbre et contemporaine Condomerie d'Amsterdam : préservatifs parfumés, aux formes et textures des plus surprenantes (premiers « bibis chatouilleurs », « porc-épics » et autres capotes aux extrémités fantaisistes), avec réservoir (c'est une nouveauté en 1901), ne couvrant que le gland (« bonnet fin de siècle », « capuchon », « bout américain ») ou bien cachés afin de permettre l’aventure avec un minimum de risque (rangés sous le double fond d'une honorable boîte de cigares de la Havane, inclus dans une fleur pour boutonnière ou dissimulés dans un carnets de tickets de Métropolitain). Il existait même en ce début du XXè siècle un préservatif féminin, « Le Pratique », qui connu un franc succès (il disparut entre-temps pour renaître en 1992 sous le nom de « Femidon »).

Ces années 1900 virent également la naissance de l'appellation de « préservatif antiseptique » et la disparition de l'utilisation du cæcum de mouton. Le latex le remplacera, concurrencé un moment par une tentative déposée le 11 octobre 1910 et qui connut son heure de gloire : le fish-bladder. Il s'agissait d'utiliser, comme préservatif, la poche à air qui permet au poisson de remonter à la surface de l'eau. Unique désagrément, pour lequel d'ailleurs on ne connaît pas d'explication précise, seuls les « fish-bladders » du poisson-chat et de l'esturgeon semblaient pouvoir contenter ceux qui ne souhaitaient pas prendre un risque de paternité. Ce « fish-bladder » (vendu en Allemagne comme « beste französische Fischeblasen » : « poisson soufflé » ou « poisson bulle ») ne connut qu'un faible succès car ce « vêtement » mince se déchirait souvent pendant le coït.

N'oublions pas que ces préservatifs en « caoutchouc soie sans soudure », qui portent les noms évocateurs de « Crocodiles », « Le rival protecteur » ou « Le voluptueux », étaient lavables : « … si l'on veut se servir d'un préservatif en caoutchouc à plusieurs reprises, il faut d'abord le choisir plus grand (il existe plusieurs largeurs) à cause de son rétrécissement et le laver dans une solution de sublimé et l'essuyer à chaque fois que l'on s'en est servi. Après une insufflation d'air pour s'assurer de son intégrité et de sa résistance et pour enlever les plis, on saupoudre le condom à l'aide de lyocopode acheté à la pharmacie ou de talc que l'on se procure chez le marchand de couleur, et après avoir tourné et retourné le condom dans cette poudre, on l'enroule sur deux doigts pour le conserver à l'abri de la lumière, de la chaleur et du froid excessifs. Il faut également préserver le caoutchouc du contact avec les corps gras (huiles, graisses, vaseline, paraffine), l'acide phénique, etc., qui le dissoudraient … » (Lip Tay, ouvrage de 1908 sur la préservation sexuelle). Ainsi, après avoir été lavé, séché et talqué, à l'aide du Vérifior, « appareil nickelé, extensible, indispensable pour vérifier, sécher et rouler les préservatifs » (le tout pour la modique somme de combien Maryse ? 12 francs Pierre Bellemare !), le préservatif attendait… la prochaine fois. N'en déplaise à notre sens de l'hygiène ainsi qu'aux fabricants actuels qui ne cessent de clamer que « le préservatif ne sert qu'une seule fois », la capote de la Belle Époque était garantie cinq ans ! On n'ose imaginer le moindre service après-vente pour ce type d'ustensile, ni la moindre réaction de clients contestant un vice de fabrication après trois années de tendre complicité.

Au même moment, deux sénateurs, Béranger et de Lamarzelle, tentèrent sans succès, d'interdire la fabrication des préservatifs. À son niveau, le clergé tout puissant interdit également (et depuis toujours) la contraception notamment par le biais du préservatif, mais les capotes continuèrent de se vendre sous le manteau. Le condom devint alors interdit dans le cadre de la politique nataliste après la première guerre mondiale (tout comme d’autres moyens de contraception ainsi que l’avortement). Avec la généralisation de la limitation des naissances par la méthode masculine du coït interrompu, l'avortement palliait les échecs du retrait et « explosa » donc à partir de 1900. Les Françaises, de tous les milieux, et leurs conjoints, ont été précoces dans leur souci de maîtriser la fécondité ; elles étaient mentalement mûres bien avant que les techniques modernes n'aient été mises au point.

 

Toutefois, les pouvoirs publics empêchèrent la contraception de passer pleinement dans les mœurs car ils restaient sous le coup des interdits religieux auxquels vinrent s'ajouter d'autres préoccupations. En effet, le XIXè siècle et l'explosion de l'industrialisation amenèrent une forte demande de main-d’œuvre. Pour autant, le stérilet, dans sa conception actuelle, date de la fin du XIXè siècle. La conception d'obstacles physiques empêchant le cheminement du sperme vers l'utérus a offert à l'imagination des gynécologues d'innombrables alternatives. En Europe, le principe des « barrières » fut aussi employé. Les paysannes hongroises utilisaient des tampons constitués de cire d'abeille. Le diaphragme fut proposé en 1891 par Wilhelm Mesinga et son usage se répandit lors de la mise sur le marché des premiers spermicides. Longtemps il ne fut pas évident de s'en procurer. Ainsi avant la libéralisation de la publicité, des diaphragmes venaient d'Angleterre.

Aussi longtemps que l'avortement fut officiellement interdit et même s'il était pratiqué de façon clandestine, une partie de la population (la plupart des femmes) acceptait et comprenait les raisons de l'avortement. En effet le rejet d'une fille mère ou d'un enfant adultérin par la communauté était quasi inévitable. Il s'est d'ailleurs répandu, non seulement chez les femmes célibataires mais aussi les mariées, mères de famille trop nombreuse ou trop pauvre. Dans les milieux populaires, les femmes éprouvaient peu de culpabilité et s'échangeaient les recettes, au lavoir public ou dans les couloirs de l'usine. On estime ainsi entre 150.000 à 500.000 le nombre d'actes abortifs posés en France au début du XXè siècle. Pendant très longtemps, la clandestinité de l'acte eut pour conséquences qu'il se pratiquait dans des conditions déplorables, sans hygiène. Ces actes étaient effectués par des personnes incompétentes (faiseuses d'anges) sur des personnes voulant se débarrasser à n'importe quel prix de leur grossesse.

En général, les substances abortives populaires étaient inefficaces : l’ergot de seigle (base du LSD), le gaïac (bois brun verdâtre très dur, aussi appelé « bois saint » ou « bois de vie » : plante riche en saponosides à l’action laxative, purgative, son bois a été utilisé en décoction depuis plus de cinq siècles jusqu'à l'invention de médicaments modernes, dans le traitement de la syphilis), la camomille (la camomille romaine était utilisée de façon générale pour traiter tous les troubles où le spasme occupe une place importante, en particulier, dans le cas de troubles digestifs fonctionnels : digestions difficiles avec spasmes digestifs douloureux, ou de dysménorrhée comme difficulté d'écoulement des règles), l'absinthe (utilisée comme vermifuge, dans les maladies de l'estomac, pour provoquer les règles ; l'absinthe était la plante d'Artémis, déesse grecque responsable des morts violentes, on l'utilisa en infusion pour ses vertus abortives puis au XVIIè siècle, comme insecticide contre les puces), le safran (utilisé contre les indigestions et maux d'estomac, la goutte, la dysménorrhée, l'aménorrhée et divers désordres oculaires ; pour les anciens persans et égyptiens, le safran était aussi un aphrodisiaque, un antidote couramment utilisé contre les empoisonnements), etc. Il existait également des substances actives mais toxiques qui provoquaient la mort du fœtus : le plomb, le mercure, le phosphore, l'arsenic, des produits issus du potassium, du chloroforme... Ces substances pouvaient provoquer des hémorragies utérines qui tuaient le fœtus mais aussi mettaient gravement en danger la mère.

Des procédés mécaniques étaient également utilisés, comme les procédés populaires tels que des lavements répétés (à l'eau de javel par exemple), des bains chauds, des saignées, des sauts à la corde, des traumatismes extra-génitaux tels des chocs lors d'accidents provoqués ou des coups sur l'abdomen, ou encore des actions directes sur l'appareil génital comme les touchers vaginaux répétés, les coïts abusifs, les injections vaginales chaudes, la cautérisation du col de l'utérus, des massages abdominaux violents pour faire descendre l'utérus, avec comme conséquences des blessures du vagin, du col de l'utérus. En outre, l'utilisation d'instruments divers pour perforer les membranes n'était pas rare : aiguille à tricoter, tringle de rideaux, fil de fer, pointe de ciseaux, sondes de caoutchouc, etc. Les avortées mouraient très souvent dans des conditions et des souffrances horribles, décès le plus souvent liés à l'infection, à des perforations, parfois à un choc, une embolie pulmonaire foudroyante et une septicémie qui emportaient la femme en quelques heures après les manœuvres abortives. Vu que l'avortement était pénalement condamné, peu de médecins prenaient le risque de se voir interdire l'exercice de leur profession et de subir de lourdes peines (de 6 mois à 2 ans de réclusion et 5 ans de suspension, avant 1974). Ce travail était donc laissé à des personnes dépourvues de toutes compétences et de tous diplômes.
Si la législation est très sévère, les juges acquittent dans 60 à 80% des cas. Toutefois, la condamnation était plus présente dans les milieux bourgeois où l'on pensait que l'avortement était la conséquence de l'inconscience des femmes, « qui faisaient n'importe quoi avec n'importe qui ».

 

Au XIXè siècle, la société avait mis en place des « tours d'abandon ». Ces tours étaient destinés aux personnes qui voulaient laisser leur enfant dans l'anonymat et la sécurité. C'était une sorte de guichet installé dans la façade des hospices où était logée une boîte pivotante. L'ouverture du tour se faisait par la rue : il suffisait de déposer l'enfant dans la boîte, de sonner et la boîte se tournait vers l'intérieur de l'hospice où une sœur recueillait l'enfant.
A la fin du XIXè siècle, les tours sont supprimées pour faire place au bureau d'admission auquel les mères peuvent confier leur enfant. La police intervient parfois lorsque les parents ont commis un délit pour survivre. De plus, les domestiques ont parfois eu des relations avec leur employeur qui avaient entraîné une grossesse, ce qui poussait les employeurs à renvoyer la domestique car ils ne voulaient pas avoir de problèmes avec leurs femmes.

Au XXè siècle, la misère s'atténue petit à petit mais elle ne disparaît pas, elle reste présente. La cause d'abandon reste donc ce fléau. Mais il faut noter l'apparition grandissante des abandons dans la classe bourgeoise. Les femmes riches avaient des serviteurs et il leur arrivait quelque fois que celles-ci aient des relations extraconjugales. De peur que le mari le découvre, elles étaient contraintes d'abandonner l'enfant ou même d'avorter. Si elle était célibataire, la crainte du scandale et le risque que la famille, à l'annonce de la grossesse, n'expulse la jeune fille, ne laissaient à celle-ci pas d'autre choix que de se débarrasser du bébé.

Mais quand la dénatalité menace le pays, quand la guerre décime la population, le gouvernement réagit, ainsi les lois de 1920 et de 1923. En parallèle, les deux grandes guerres coûteuses en hommes susciteront des politiques natalistes dans la plupart des pays occidentaux (création des allocations familiales dans l'entre-deux guerres, par exemple).

Le 27 janvier 1920 fut créé, par décret, un ministère de l'Hygiène, d'Assistance et de Prévoyance sociales avec, à sa tête, Jules-Louis Breton, partisan de la reproduction à outrance et créateur de la médaille de la famille française qui récompense les familles, très, nombreuses. Le 31 juillet de la même année, une loi réprime fortement l'avortement (défini comme un crime ; il est important de souligner qu'à la fin du XIXè siècle, l'avortement n'était pas considéré comme un crime contre une personne, tel l'infanticide, et que la jurisprudence admettait l'avortement pour sauver la vie de la mère) et interdit la vente et la propagande pour les méthodes anticonceptionnelles (essentiellement le préservatif). En 1920, l'avortement était défini comme suit : « expulsion prématurée et violemment provoquée du produit de conception, indépendamment des circonstances de l'âge, de la viabilité ». De nos jours, l'avortement est défini en tant qu' « interruption volontaire de grossesse avec expulsion de l'embryon ou de fœtus avant que celui-ci ne soit capable de vivre de façon autonome. Si l'expulsion se produit alors que celui-ci est viable, on parle d'accouchement prématuré, et non pas d'avortement ».

En 1923, le Code pénal fit de l'avortement un délit, afin de mieux le poursuivre devant les Cour d'assises : la moyenne des acquittements passe sous les 20%. Ces mesures juridiques n’ont pas réussi à stopper la chute de la natalité : après 1923, la natalité diminua jusqu’en 1939, date à laquelle le nombre des décès excède celui des naissances. Du coup c'est le silence, la peur, la culpabilité qui règnent, ce qui n'empêche pas malgré tout les avortements clandestins de se poursuivre, avec tous les risques. Certains chiffres sont effarants : 20.000 à 60.000 décès par an dans les années vingt. Pourtant, peu à peu, la répression se relâche (notamment parce que la grande crise était là), mais les natalistes obtiennent la loi de 1939, dite « code de la famille », qui accrut la répression de l'avortement. Une prime à la première naissance fut même créée, en parallèle à la création de brigades policières spécialisées dans la chasse aux avorteuses (Madeleine Pelletier, une féministe qui défendait le droit à l'avortement, fut également arrêtée).

Sous le régime de Vichy, où la famille figure parmi les valeurs particulièrement prônées et donc défendues (Travail, Famille, Patrie était la devise officielle du gouvernement), l'appareil législatif se renforce : en 1941, les personnes suspectées d'avoir participé à un avortement peuvent être déférées devant le tribunal d'État ; en 1942, l'avortement est reconnu comme un crime contre l'État passible de la peine de mort (en 1943, Marie-Louise Giraud et Désiré Pioge furent guillotinés pour avoir pratiqué des avortements).

Après la guerre, si la peur de l'enfant existe encore dans toutes les classes sociales, les risques encourus ne sont pas les mêmes pour les petites ouvrières ou les vedettes du cinéma ou de la littérature. Bon nombre d'actes se pratiquaient au domicile de la candidate, avec un médecin complaisant ou dans des cliniques privées où les clientes attendaient dans un salon semi-obscur pour ne pas être trop tentées de se dévisager. Car, entre l'interdiction absolue accompagnées de poursuites pénales effectives et la libéralisation, il y a eu, dans de nombreux pays, une période où l'interruption se faisait dans des conditions sanitaires correctes, mais soit dans certains pays moins regardants, soit moyennant un paiement relativement élevé, soit encore dans certains centres de plannings familiaux, travaillant de manière plus ou moins clandestine.

 

L'Angleterre ne semble pas succomber aux diktats de la politique nataliste et les femmes anglo-saxonnes virent dans le préservatif une aubaine, une nouvelle forme de liberté, celle de choisir ou non sa grossesse. Leur argument était de taille : « Plus de femmes meurent durant leur grossesse que dans les mines ».

Le préservatif connu également un succès croissant aux États-Unis, où l’on vit des pin-up décorer les boîtes dès les années folles, les années 20. D’ailleurs, les GI's en emporteront toujours dans leur paquetage. La fabrication des préservatifs n'était pourtant pas admise dans tous les États. La firme Youngs créa, en 1926, la marque « Trojan ». La société gagna la confiance des drugstores, qui, outre-Atlantique, font office de pharmacie, après que les préservatifs eurent été l'exclusivité des bars, billards et bureaux de tabac. « Trojan » devint une telle institution qu'elle fut plagiée dès l'année suivante. C'est ainsi qu'une fausse « Trojan - bas de gamme » fut mise sur le marché, ce qui amena un certain C.I. Lee à comparaître pour contrefaçon. Ce dernier se défendit en prétextant que le nom « Trojan » n'était pas déposé et rappela, ironiquement, que la fabrication des préservatifs était illégale dans une partie du pays. Prenant C.I. Lee à son propre jeu, le tribunal le débouta, rappelant qu'il n'y avait justement pas de loi fédérale interdisant la fabrication de préservatifs et écarta par là même un décret d'interdiction d'Antony Comstock qui prévoyait des peines de prison à qui ferait la promotion du condom. Nous sommes alors en 1929, la crise économique bat son plein, ce qui n'empêche nullement les premiers distributeurs de préservatifs de voir le jour aux États-Unis, alors que le pourcentage de caoutchouc peu fiable présent sur le marché avoisine 50%. De fait, en 1930, la fabrication de latex liquide remplace le caoutchouc crêpe. Aujourd'hui encore, le latex liquide est à la base de la fabrication des préservatifs.

En 1932, une usine de préservatifs Durex, spécialisée dans la technique relativement nouvelle du latex, est construite à Hackney. Les fabricants se livrent, jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, à une « guerre des gangs » sans merci, à coup de délation, racket et insultes en tous genres. Cinq cents millions de préservatifs se vendront toutefois, en 1937, sur l'ensemble du territoire américain. Pendant la Seconde Guerre mondial, le caoutchouc venant à manquer (la seule usine américaine de caoutchouc venait d'être bombardée à Pearl Harbour par les Japonais), « Youngs » investira 250 000 $ pour tenter, en vain, de réaliser un préservatif en nylon. Quatre mois plus tard, la fabrication de préservatif cessa. Pendant ce temps, les combats se poursuivaient et les préservatifs faisaient partie intégrante du paquetage des militaires américains, mais aussi allemands. La Grande Guerre avait servi d'exemple. L'impératrice Augusta-Victoria avait alors interdit la capote dans le paquetage militaire contre l'avis pourtant expert du général Von Bissing, et la syphilis avait ainsi désarmé de nombreux combattants. Durant le second conflit mondial, mode d'emploi et textes sur l'hygiène furent joints aux préservatifs.

L'utilisation la plus étonnante du condom, durant cette période, se fit lors du débarquement américain baptisé « Opération Torch » à Alger, Oran et Casablanca le 8 novembre 1942, et le 6 juin 1944 en Normandie. Couvrant le canon des fusils, le préservatif protégeait les armes du sable et de l'eau. Comble de la sophistication, cette « fleur au fusil » était le seul et le plus simple élément protecteur qu'il n'était pas obligatoire de retirer pour « tirer un coup » ! Mais ne soyons pas naïfs, les préservatifs avaient tout de même pour vocation de permettre aux soldats d'aller régulièrement « aux putes » avec une capote en poche ou, à défaut, un ensemble « pro-kit », (coton et chlorure de mercure) à utiliser après coup, « après le coup » comme cela se disait à l'époque. Les prostituées avaient, elles aussi, tout intérêt à se protéger car, victimes d'une maladie transmissible sexuellement, elles étaient punies, les militaires risquant quant à eux une mise à pied.

Enfin, le préservatif servit aux marins de toutes les mers pour mettre à l'abri de l'eau rations alimentaires, allumettes ou cigarettes. L'idée fut reprise, plus tard, par les passeurs de drogue : l'héroïne est enfermée dans de la cellophane, entourée de chatterton et enfilée dans une capote lubrifiée ; l'ensemble séjournera dans l'anus du trafiquant durant son voyage.

 

Au Moyen Age, on conseillait d'avoir des rapports dans la période la plus éloignée des règles (donc, en fait, la période d'ovulation) pour qu'ils restent stériles. Ce n'est que sporadiquement au XIXè siècle, et surtout à partir d'Ogino, dans les années 1930, que l'on osera aborder à nouveau cette pratique. La continence périodique fait cependant allusion à une autre réalité : les longues périodes de continence qu'impose le calendrier ecclésiastique ou les sanctions du confessionnal. Qu'il s'agisse donc d'une limitation volontaire ou imposée des naissances, il semble que la continence périodique ait été inefficace jusqu'au XXè siècle.

Avec le renouveau idéologique post-guerre des années 50, on assista à une intense valorisation du couple amoureux : il s’agissait pour les jeunes de s’aimer corps et âme. Si Pie XII, dans les années 50, admit que les recherches pour adoucir l'accouchement n'étaient pas contraires à la volonté divine, l'obligation d'accueillir tout enfant persista sans restriction pendant fort longtemps. Or l’Église maintint une position intransigeante (voir l’Encyclique Quadragesimo Anno) qui n’admet comme moyens de contraception que les moyens naturels (en 1930, le pape Pie XI interdit toutes méthodes artificielle qui entraverait la procréation ; vingt et un ans après, Pie XII autorisa tout de même l'abstinence sexuelle périodique, ainsi que la régulation des naissances pour raison économique, eugénique, sociales ou médicales). Ainsi, pour tenter de rester dans les clous, le Coca-Cola était parfois utilisé comme contraceptif en douche vaginale (alors que cette méthode est inefficace et peut être dangereuse ; il existe d’ailleurs des sacs à lavement d'un modèle courant aux États-Unis pouvant être utilisé à la fois pour des lavements intestinaux et des douches vaginales, suivant l'embout utilisé).

 

La contraception n'entrera dans sa phase endocrinologique que lors de la découverte des hormones ou, du moins, du principe de leur sécrétion. C’est à partir de 1954 que les femmes se sont vues offrir la possibilité de faire l’amour sans risque de tomber enceinte et sans préservatif, en interrompant grâce à la pilule le processus d’ovulation qui les rend cycliquement fertile. La pilule perturbe le dialogue entre l’hypothalamus (petite structure cérébrale de la taille de l’ongle du pouce qui sécrète une neurohormone) qui commande à l’hypophyse (une glande grosse comme deux noisettes constituées de deux lobes), de produire deux hormones stimulant les fonctions ovariennes (la FSH, hormone de stimulation des follicules, petits sacs lieu de maturation de l’ovule dans l’ovaire ; et la LH, hormone lutéinisante, stimulant le « corps jaune », follicule produisant des œstrogènes et libérant de la progestérone). La pilule maintient ainsi un pseudo-cycle menstruel, sans ovulation, grâce notamment à des progestatifs, hormones proches de la progestérone. Fabriqués à base de testostérone, ces progestatifs avaient un effet virilisant. Aujourd’hui, avec de nouveaux cocktails et dosages d’hormones, les effets sur la pilosité et le désir sexuel sont quasiment nuls.

Par contre, il est beaucoup moins évident d’obtenir un arrêt complet mais réversible de la production de spermatozoïdes, car la production de testostérone chute avec pour effet pour l’homme une voix fluette de fausset, des seins qui poussent ou une libido déficiente. Pour les hommes, le plus efficace est le slip chauffant : en effet, à température corporelle, les spermatozoïdes sont stériles (d’où la position des bourses en-dehors du corps).

Alors qu’en 1955 l'avortement thérapeutique (interruption de la grossesse pour raison médicale, pour l’enfant comme pour la mère) est autorisé en France, la pilule anticonceptionnelle est mise au point aux États-Unis. Le 8 mars 1956, l'association Maternité heureuse se crée, militant pour donner accès aux françaises à la contraception et pour l'abolition de la loi de 1920. Jusqu'aux années 1960, la contraception était pratiquement exclusivement mécanique. Elle est devenue massivement médicale avec l'apparition des traitements hormonaux (« la pilule »).

 

L'année 1961 connaîtra, en mars, la condamnation de « tout procédé contraceptif ou moyen stérilisant qui a pour but d'entraver la venue au monde des enfants », par l'Assemblée des cardinaux et archevêques de France. Mais sous le général de Gaulle, décidemment inclassable, les choses commencèrent à évoluer. Au-delà des inventions il fallait encore faire connaître, expliquer, prescrire. Ce fut le rôle notamment des centres de plannings familiaux : en juin 1961, on assiste à l'ouverture du premier Centre de planification à Grenoble par Henri Fabre, ainsi qu'un second à Paris en octobre.

En 1967, fut votée la loi Neuwirth, du nom du député gaulliste de la Loire qui s'acharna, malgré les fortes résistances des milieux conservateurs, à faire évoluer mentalités et législation. Cette loi vint abroger la loi anti-avortement de 1920, autorisant ainsi la vente des produits contraceptifs (jusqu'à 21 ans – la majorité légale à l’époque – une autorisation parentale étant nécessaire pour la délivrance de la pilule) tout en encadrant la publicité (interdite sauf dans les revues médicales). Elle fut complétée en 1974, sous l'impulsion de Simone Veil, par une nouvelle loi autorisant l'importation, la fabrication et la vente en pharmacie des produits définis comme contraceptifs. Cette loi légalisait la contraception et permettait son remboursement par la sécurité sociale.

 

C'est dans le contexte de « il est interdit d'interdire », de la Révolution sexuelle et de la popularisation de « la pilule » que sort le 29 juillet 1968 la fameuse encyclique Humanae Vitae publiée par Paul VI. Prenant le contre-pied des conclusions de l'ensemble des groupe de travail (aussi bien les experts scientifiques, les représentants des mouvements sociaux chrétiens que les théologiens), le Pape Paul VI y condamne la contraception, sous toute forme autre que « naturelle » (interdiction de l'utilisation de la pilule contraceptive et de toute régulation artificielle des naissances). Seule est autorisée la méthode Ogino. Gynécologue japonais, en 1924 il découvrit la loi physiologique qui porte son nom (loi d'Ogino), selon laquelle chez la femme l'ovulation (la libération de l'ovule par l'ovaire) se produit d'habitude une seule fois au cours du cycle menstruel, c'est-à-dire entre le douzième et le seizième jour après le début de la menstruation. Cela couplé à une survie des spermatozoïdes jusqu'à 4 jours suite à l'éjaculation, et à une survie de l'ovule pendant 1 jour suite à l'ovulation amène une période féconde entre 12-4 = 8 jours et 16+1 = 17 jours après le début des règles. Une telle connaissance permettait aux couples qui désiraient un enfant de savoir à quel moment les rapports offraient les meilleures chances de conception. En 1928, le gynécologue autrichien Hermann Knaus confirmait et précisait la découverte d'Ogino, mettant au point la méthode Ogino-Knaus, dite également rythmique ou cyclique, qui consiste à prévoir à chaque fois, grâce à un calcul statistique des cycles menstruels précédents, la période de l'ovulation, c’est-à-dire pendant laquelle la fécondation est possible. Seulement il modifia considérablement l'esprit de cette méthode pour en faire un moyen de contraception (la Méthode des cycles). Ogino s'opposa à cette façon de voir, soutenant que le taux d'échec était trop élevé et que promouvoir une telle méthode pour la contraception, bien que d'autres fussent disponibles et plus efficaces, aboutirait à un grand nombre d'avortements dus à des grossesses non désirées. De fait, l'application d'une telle méthode sur une vaste échelle s'est révélée difficile et a conduit à un grand nombre d'échecs en raison de sa complication : elle exige une grande autodiscipline chez le couple et elle n'est pas utilisable lorsque les cycles menstruels sont irréguliers, comme c'est souvent le cas. Parmi les méthodes de limitation des naissances, cette méthode Ogino-Knaus fut approuvée par l'Église catholique en 1951 et, avant qu'on en découvrît les limites, elle souleva d'immenses espoirs. Roger Peyrefitte écrit dans Les Clés de saint Pierre : « Vénus reparaissait, sans l'épithète désespérante de genitrix (« celle qui enfante », la génitrice), et l'héroïne de ce roman pense que, lorsqu'elle sera mariée, elle n'aura plus besoin de se soucier des « jours du pape » (en Italie, on parlait de la méthode « Oggi, no » : « Pas aujourd'hui, mon chéri »).

La seule contraception que l'on veut bien concéder, au nom de Dieu et du « Laissez-les vivre », c'est l'abstinence. Si on s'entête à faire l'amour pour le plaisir et non pour la procréation, on paiera ce crime par une naissance non désirée. Cette prise de position radicale a joué un rôle considérable dans la distanciation d'un certain nombre de chrétiens par rapport à la loi de leur église, voire même de la part d'un certain nombre de clercs. Parallèlement, les condamnations de la contraception s'atténuent dans les milieux cléricaux sur le terrain, face à la menace, beaucoup plus grave, de la dépénalisation de l'avortement.

 

En 1969 se crée l'association nationale pour l'étude de l'avortement. Toujours timide, l’assemblée se contente en 1970 de la proposition de loi Peyret (député gaulliste, président de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale) prévoyant un assouplissement des conditions de l'avortement thérapeutique. Pour faire avancer le débat et surtout les lois, l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur publia le 5 avril 1971 le « Manifeste des 343 salopes » dans lequel 343 femmes (des personnalités du spectacle, de la littérature et de la politique) déclarent avoir avorté. Aucune poursuite ne fut engagée par le gouvernement Messmer. Le contexte dans lequel éclate l'affaire est celui d'une interdiction légale assortie d'une relative mansuétude de la part des parquets qui ferment souvent les yeux. Ce divorce entre la loi et la pratique est évidemment contestable en démocratie.

En juillet 1971, l’avocate Gisèle Halimi et l’écrivaine Simone de Beauvoir (deux signataires du Manifeste) fondèrent l'association Choisir pour défendre les personnes accusées d'avortement. Le 20 novembre 1971, plus de 4 000 femmes manifestèrent à Paris pour le droit à l'avortement. En octobre 1972, l'avocate Gisèle Halimi fit acquitter une jeune fille de 17 ans qui avait avorté. Le 5 février 1973, moins courageux que les 343, 331 médecins firent savoir qu'ils avaient eux aussi pratiqué des avortements. Ils furent suivis en avril par la fondation du Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception (MLAC) : personne n'est pour l'avortement, il s'agit toujours d'un échec mais il peut, dans certaines circonstances précises, être un moindre mal ; le mouvement insistera aussi sur la nécessité de remettre la loi en accord avec la pratique.

C'est sous la présidence de Giscard d'Estaing, mais dans un contexte qu'il faut situer plutôt au cœur des grands combats féministes affirmés depuis 1968, que le sujet de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) apparaît dans les assemblées représentatives. Devant l’actualité du débat, l'Assemblée nationale vota le 28 juin 1974 le projet de Simone Veil (ministre de la Santé), qui libéralisait totalement la contraception : la Sécurité sociale rembourse la pilule, les mineures ont droit à l'anonymat. Dans la foulée, du 26 au 29 novembre 1974, des débats houleux (et même honteux vu le peu d’arguments et le grand nombre de petites phrases blessantes mais hors sujet) animèrent l'Assemblée nationale sur le projet de Simone Veil de dépénaliser l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour les femmes dites « en état de détresse » jusqu'à la dixième semaines de développement fœtal et jusqu'à la naissance au cas où l'enfant est handicapé ou si la vie de la mère serait menacée par la poursuite de la grossesse. Ainsi, la loi n'autorisait pas l'avortement mais elle suspendait les poursuites légales si un certain nombre de conditions étaient remplies.

Le 17 janvier 1975, la loi Veil fut promulguée, mais avec une mise en place pour une période de cinq ans (la loi sera reconduite définitivement le 30 novembre 1979, mais le texte fut adopté à une majorité beaucoup plus courte que lors de son premier passage en 1974). La loi de 1975 a pu faire disparaître les complications et les morts dus à l'avortement. Si la loi de 1975 légalise l'IVG, elle réaffirme aussi le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la loi.

Le 31 décembre 1982, la loi Roudy permit le remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale. En 1986, une proposition de loi fut déposée sur le déremboursement de l'avortement à l'occasion de la première cohabitation gouvernementale. La proposition de loi fut bloquée par le gouvernement Chirac et ne fut donc pas soumise au vote du Parlement. En 1990, il y eut une proposition de résolution du Parlement européen sur l'avortement (sans suite, les états étant très divergents à ce sujet). En 1993, la loi Neiertz créa le délit d'entrave à l'IVG en réaction aux commandos anti-IVG. L'Église catholique préfère actuellement encourager les méthodes de Planification familiale naturelle, telles que la méthode Billings (observation du cycle féminin et identification des périodes de fertilité par le suivi de l'état de la glaire cervicale), à toute méthode chimique ou mécanique.

 

En 1950, et essentiellement dans le sud des États-Unis, vingt-cinq mille distributeurs automatiques étaient installés dans les toilettes publiques ou station-service, remplaçant le plus souvent des distributeurs de lames de rasoir qu'il fallut adapter. En 1957, le tout premier préservatif lubrifié fut lancé au Royaume-Uni. En 1961, la marque DUREX commercialisa le premier préservatif lubrifié.

Depuis 1920, il était interdit en France de promouvoir le préservatif. Alors que son commerce se développait énormément, le tabou du contrôle des naissances impliquait la censure des ouvrages qui en parlaient, avec un à six mois d’emprisonnement et 100 à 5000 Francs d’amende pour propagande anti-conception ou campagne antinataliste. En 1938, prôner l’hygiène était la seule solution pour contourner la loi. En 1939, le Code de la famille était toujours remonté contre le chapeau pour « chauve au col roulé », position renforcée par les lois anti-conception du gouvernement de Vichy. Le slogan de l’époque était « la France a besoin d’enfants ; on ne doit pas les oublier lors de la lune de miel ! ». Une carte postale proclamait haut et fort « À quoi rêvent les fiancées (remplacées à la main par « jeunes mariées ») ? Au gentil bébé qu’elles chériront ! ».

Début des années 80, le virus du Sida est identifié. Le SIDA, virus répandu depuis longtemps chez les singes d’Afrique, aurait contaminé un chasseur dans les années 30 puis a progressivement touché la planète entière par un effet domino. En France, 50% des contaminés l’ont été par voie hétérosexuelle, 25% homosexuelle et 3% par des seringues infectées. La France n’autorisera finalement la publicité sur le préservatif qu’en 1987, sous réserve d’obtention d’un visa de la part de l’Agence de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, au même titre qu’un médicament. En 1991, la publicité pour la contraception est enfin autorisée : en France, où la couverture contraceptive féminine est l’une des plus importantes au monde, la pilule concerne deux tiers des femmes en âge de procréer. On verra alors se multiplier des grandes campagnes d'information, la distribution de livrets explicatifs, des spots didactiques ainsi que l'organisation de séances d'éducation sexuelle dans les établissements scolaires.

Depuis mars 2001, les infirmières scolaires (dans les collèges et les lycées) sont autorisées à délivrer la pilule du lendemain (Norlevo).

Le 4 juillet 2001, la loi Aubry, dépénalisa complètement l'avortement, porta de 10 à 12 semaines le délai légal de l'IVG et supprima l'autorisation parentale pour les mineures. À partir de janvier 2002, les pharmaciens durent distribuer gratuitement la pilule du lendemain aux mineures, et depuis juillet 2004 l'IVG médicamenteuse est autorisée chez les gynécologues et certains médecins généralistes pour les grossesses inférieures à cinq semaines.

 

Au XXè siècle, la législation française a créé l'accouchement sous X, assurant l'anonymat d'abord total sur la personnalité de la mère. C'est devenu la principale forme d'abandon. La société a contribué à diminuer l'abandon en instaurant des systèmes de prévention tels que la contraception mais s'il a peut-être diminué, il n'a pas pour autant disparu.

De nos jours, l'avortement n'est plus un sujet tabou pour la société, même si les opinions ne sont pas unanimes sur le sujet. Les autorités papales condamnent toujours cet acte qu'ils considèrent comme un crime. Dans l'U.E., l'Irlande reste le seul pays d'Europe à s'y opposer, même s'il est permis d'aller se faire avorter ailleurs, ce qui est le cas pour 7000 femmes chaque année qui se rendent en Grande-Bretagne.

Depuis les années 60, la femme a donc conquis de nombreuses libertés dans le domaine de la maternité : avec la contraception et, si celle-ci a échoué, l'IVG, elle peut désormais choisir d'enfanter ou non. « Mon ventre est à moi », proclamaient déjà les manifestantes des cortèges féministes des années 70. Pourtant, d'après une enquête récente, il apparaît que chez certains jeunes, spécialement les garçons, l'avortement soit devenu un moyen anticonceptionnel et donc un nouveau combat pour la contraception doit être mené car elle reste la meilleure dissuasion de l'avortement.

Si toutes les femmes pratiquaient la contraception, si toutes les possibilités leur en étaient données, si l'on conditionnait la conscience féminine à la prévention de la grossesse, le problème de l'avortement deviendrait un problème marginal. L'important pour une femme est d'abord de savoir, puis d'être persuadée, que la contraception est le meilleur moyen de disposer de son corps.

La position de l'Église n'a pas changé, au contraire. Jean-Paul II a fréquemment répété son opposition totale et, en théorie, aussi bien celle qui se fait avorter que celui ou celle qui l'accompagne sont passibles d'excommunication. Le bras de fer entre les centres de planning familiaux chrétiens allemands et le Vatican est une illustration très récente de cette opposition.
Comme souvent dans les sujets éthiques, la position du clergé du terrain est plus nuancée mais ceux qui acceptent le geste ne le font que dans la référence à la doctrine du « moindre mal ».

Par contre, l'apparition du Sida a contribué à faire se multiplier des déclarations moins tranchées de la part d'autorités ecclésiastiques plus près de leurs bases, à savoir les évêques, qui ont souvent prêché la règle du moindre mal et donc l'utilisation du préservatif dans les situations à risque.

 

Les années 1990 permirent aux nouvelles technologies une amélioration considérable du préservatif et la production de modèles beaucoup plus sophistiqués que ceux que connaissaient nos ancêtres. La dernière nouveauté est l'AVANTI de DUREX, fabriqué à partir d'un type de polyuréthane unique, le DURON, qui est deux fois plus résistant que le latex et permet d'obtenir un film plus fin afin d'augmenter les sensations.

Actuellement, le seul moyen contraceptif efficace pour l'homme et la femme, reste le préservatif. Mais ce dernier risque bien d'évoluer avec la mise au point en novembre 2000 par Michel Bergeron (professeur à l'Université de Laval au Québec) d'un gel contraceptif inodore, incolore et imperceptible, protégeant contre les MST et même le virus du sida. Ce gel, baptisé « préservatif invisible », est composé de deux ingrédients : un gel polymère (liquide à la température extérieure, mais qui se gélifie à température corporelle) combiné d'un germe comme le sulfate de sodium laurylé. Pour l'instant, la méthode testée sur des souris a donné de bons résultats. L'avenir nous dira si ce gel est applicable à l'humain.


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