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Ainsi, l’iconographie aurignacienne perdurera encore au Gravettien dans certaines régions plus isolées des grands centres, comme la Bourgogne (qui fut pour autant un centre de peuplement particulièrement actif à l’Aurignacien et au Gravettien). La culture matérielle des sites regroupant ces entités montre leur continuité culturelle forte avec les périodes précédentes, ces groupes étant moins activement intégrés dans des échanges matrimoniaux et culturels.

À Arcy-sur-Cure (sud du département de l’Yonne, à une vingtaine de kilomètres des contreforts du Morvan), une vingtaine de cavités naturelles furent occupées par l’humain et les autres animaux. L’occupation humaine du site s’étend sur plus de 300 000 ans, mais les structures d’habitat les plus riches témoignent d’implantations répétées au Paléolithique moyen (Moustérien avec Neandertal, entre -200 000 et -40 000 ans) et pendant toute les cultures du Paléolithique supérieur, du Châtelperronien (de -36 000 à -32 000, œuvre des derniers néandertaliens), au Magdalénien.

Deux grottes ornées enrichissent ce grand complexe paléolithique de la France du Nord (de la Loire), un des sanctuaires les plus anciens connus (la phase principale de décoration date de l’Aurignaco-Gravettien, culture bien représentée dans les cavernes voisines). Avec 68% d’animaux dangereux représentés dans la Grande Grotte (développement de 500 m de long, un des sanctuaires majeurs du Paléolithique supérieur), on voit la persistance au Gravettien des thèmes aurignaciens. Le bestiaire étonne : outre deux chevaux et un bison acéphale, des cervidés, un capridé et un rapace en vol, ce sont ici les animaux dangereux qui dominent avec des espèces dont la représentation est considérée comme rare, voire exceptionnelle. A l’encontre des autres grottes ornées de la même époque, peuplées essentiellement de chevaux, bisons ou aurochs, ces espèces redoutables, mammouths (moitié des représentations, avec un style comparable à certaines gravures de Cussac, Dordogne), rhinocéros, ours et félin qui représentent 68% du bestiaire de la Grande Grotte, sont en position centrale dans les compositions pariétales au lieu d’être, comme on le pensait auparavant, reléguées dans les fonds.

Les triangles pubiens, les bâtonnets (masculins) et ponctuations (féminines) digitées alignées ou groupées, signes barbelés ou en spirales, trapèzes à expansions latérales, les mains (sept mains négatives aux doigts complets – dont une main droite d’enfant sur le Panneau des Mains –, une autre aux doigts incomplets, une main positive), les perles en ivoire de mammouth dont la typologie est classique chez les premières cultures du Paléolithique supérieur, le massif stalagmitique largement ocré dans la Zone du Calvaire, l’iconographie à mammouths dominants et les deux mégacéros préjugent de la datation ancienne de ce sanctuaire : période entre -25 000 et -26 000, puis autour de -22 500.

 

 

Au Gravettien (-27 000 à -20 000), on assiste à une augmentation considérable dans la densité des sites ornés vers -27/-24/-22 000 ans. En Europe centrale et méridionale, on assiste à une microlithisation de l’outillage : la production lithique principale est faite de petites pointes, de burins et d’outils sur de petites lames et lamelles. En ce qui concerne le travail sur les os, on trouve des pointes de sagaies et des gravures. Des frises gravées ornent les abris sous roches et les grottes. Les parures sont présentes en Europe occidentale, mais les représentations mobilières sont peu fréquentes. Cette période est connue pour ses statuettes aux formes souvent généreuses, surnommées « Vénus ».

Art de gravures, enrichies de peintures, le témoignage artistique gravettien est en continuité de celui des aurignaciens et annonce la suite. Celle-ci se montre créatrice de formes nouvelles et l’art étend son champ d’application. Il s’exprime dans le quotidien sur les objets surtout en relation avec les techniques de chasse, sur les plaquettes de pierre et d’os qui restent dans l’habitation, dans la parure où les grandes pendeloques reçoivent une valeur spécifique à travers un décor particulier. Les perles et pendeloques (pièce de parure suspendue à un anneau, à une chaînette) tendent à évoquer des symboles sexuels, les pendeloques étant plus fréquentes dans les niveaux d'habitats que dans les sépultures (où l’on retrouve nombre de perles).

 

 

Si certaines conceptions sont intemporelles et se retrouvent dans toutes les communautés du monde, la majorité des croyances qui ont trait à la sexualité sont en réalité propres à une culture spécifique.

Dans les sociétés préhistoriques, comme dans les sociétés traditionnelles, le plaisir de l’individu n’existait pas de manière autonome. L’expérience du plaisir semble y avoir toujours été liée aux modes d’être et de faire de la communauté à laquelle l’individu appartient. Immédiatement vécu dans ses rapports à la nature extérieure ou médiatisé par les institutions de la vie collective, l’accès au plaisir de l’individu y était déterminé par les représentations symboliques, les croyances et les mythes. On voit clairement se profiler l'importance du sexe et de la sexualité chez l'humain préhistorique, et l'importance qu'ils tiennent parmi les représentations artistiques de l'époque.

 

On ne peut éloigner l'art de l'idéologie, de l'économie et de la visions globale de ces sociétés. L'art rupestre préhistorique renferme alors une information ethnographique très importante sur les formations économiques et sociales qui l'ont élaboré, sur leurs modes de vie et leur culture.

 

L’art est l’expression des lieux d'agrégation des bandes de chasseurs-collecteurs dans le cadre des intenses activités sociales qui se développaient en coïncidence avec les parties de chasses communes lors des fréquentations saisonnières. Outre la question économique, les chasses communes comportaient la concrétisation des relations d'exogamie comme développement de la configuration des bandes. Ainsi, les relations sociales de production s'enlacent à l'organisation sociale des groupes, au processus de travail et à la distribution des produits : les modèles de parenté ont une incidence sur l'accès aux moyens de production, sur l'organisation du travail et sur la distribution des produits.

On peut affirmer que les bandes de chasseurs-collecteurs n'ont pas eu de propriété réelle sur les moyens naturels de la production, mais ils avaient bien la disponibilité et la propriété des instruments de production (outils et méthodes) et de leur force de travail. Le fait qu'ils n'aient pas eu une propriété effective sur les moyens naturels de production implique qu’il n’y avait pas de territoires contrôlés en matière de possession consensuelle ou d'appropriations saisonnières. Il s’agit ainsi de sociétés à forme de propriété collective, où les membres de la structure sociale sont copropriétaires de la force de travail et des instruments de production. Les formes de propriétés s'expriment alors par relations de réciprocité, se situent dans un système égalitaire d'appropriation et dans des modèles d'échange et de distribution. Les relations sociales étaient basées sur la solidarité, l'appui mutuel et la réciprocité, bref une idéologie qui favorise la cohésion.

Les bases économiques et les types de mobilité en relation avec les appropriations des ressources comportaient des structures de mobilité-échange inter-bandes de femmes et d'hommes.

La mobilité et le nomadisme expliquent en maintes occasions les caractéristiques et la composition des bandes. En effet, le semi-nomadisme nécessite une stratégie économique d'établissements saisonniers et l’existence de lieux plus grands de concentration de groupes pour le développement de pratiques sociales importantes pour la continuité de la bande et des groupes eux-mêmes rassemblés. La structure de mobilité/échange inter-bandes de femmes et d'hommes, ainsi que l'unité domestique, sont significatives dans ces sociétés, qui de plus est exogamiques, ce qui permet d'atteindre des unités plus grandes, non parentales comme les bandes.

Ces parties de chasse entraînaient une intense vie sociale, elles rendaient possible l'exogamie comme régulation biologique des groupes, elles généraient des processus d'initiation des adolescents à des pratiques sociales collectives, elles assuraient la transmission des connaissances de la technologie, des modes de travail, elles permettaient la distribution des matières premières, des produits élaborés et des objets. Ces systèmes économiques sont des moyens de communication qui en arrivent à forger un instrument de pouvoir et de légitimation de l'ordre dominant. De fait, l’art est bien une expression des modes de vie et de la conscience sociale, d'où prédominance d'animaux (production) et de femmes (reproduction) de l'économie politique.

 

Ceci nous mène à la notion du mode de reproduction, lié à la superstructure idéologique de ces sociétés.

Depuis l'Aurignacien, notamment sur des blocs rocheux aux environs des Eyzies puis, de l'Espagne à l'Europe centrale, sur les parois des grottes et sur les objets de pierre ou de matière dure animale, ont été représentés de très nombreux phallus ou, plus souvent encore, des triangles pubiens féminins. Peints ou gravés, ils témoignent, dès l'origine, d'une synecdoque (la partie pour le tout).

Les signes géométriques minces (des bâtonnets avec ou sans expansion latérale) sont des schématisations de phallus, les signes pleins (des ovales, cercles, quadrangles, souvent fendus par un trait vertical) des équivalents de triangle pubien. Toutes ces images sont des mythogrammes faisant partie des manifestations spirituelles.

 

Il faut plus qu’une femme, un homme et leur rapport sexuel pour fabriquer un enfant : l’imaginaire est on ne peut plus important dans le fonctionnement des sociétés ! Ainsi, en plus des géniteurs physiques, il y a toujours l’intervention soit d’ancêtres, soit d’esprits/dieux.

Pour certains, le corps féminin n’est qu’un réceptacle, et c’est le sperme de l’homme qui fabrique l’embryon (pour d’autres, le sperme ne sert qu’à nourrir l’embryon), en lui donnant son ossature, sa chair, son sang ! Mais le fœtus demeure incomplet, jusqu’à ce que les ancêtres ou les esprits/dieux le finalisent dans le ventre de la femme ! Souvent, lorsque le nouveau-né apparaît, s’il possède bien un souffle, il est dépourvu d’une âme. C’est seulement après une période de « viabilité » (plusieurs mois voire trois ans), qu’une âme lui est transmise quand on lui attribue un nom, celui d’un ancêtre (afin de le rattacher à une histoire familiale et au clan par un illustre aïeul). En effet, pour un individu, le lien familial est essentiel à la constitution d’une identité ! Toutefois, c’est par l’initiation (représentations et croyances imaginaires constituant des vérités existentielles qui s’incarnent dans des pratiques symboliques) que tous les individus se retrouvent dépendants les uns des autres, pris dans des liens politico-spirituels concernant tous les lignages, toutes les communautés. Ainsi, au-delà de la souveraineté du groupe sur son territoire, ses ressources, ses habitants, tous les individus s’unissent pour créer des lieux cérémoniels, en faisant appel aux esprits pour en recevoir de la force (dieux astraux et esprits de la nature).

 

Si le cadre conceptuel est resté le même pendant toute la fin du Paléolithique supérieur, l’importance attachée à tel ou tel thème a changé. Au Gravettien (-27 000 à -20 000), les grands herbivores (chevaux, bisons, aurochs, cervidés et bouquetins) se substituent aux animaux féroces de l’Aurignacien, attestant d’un changement thématique profond dans l’expression spirituelle. Ces animaux font davantage partie de l’alimentation, même si les rennes, la base alimentaire, sont très peu représentés. Les animaux, sexualisés, montrent la présence d'une notion de sélection dans la production, qui impose un contraste avec les pièces chassées et leur contexte historique.

On le voit très bien avec l’abri du Poisson (vallon de Gorges d'Enfer, sur la rive droite de la Vézère aux Eyzies-de-Tayac) : les animaux sont représentés en fonction du moment de l’année où l’abri était éclairé par la lumière du soleil. Le saumon au plafond de l’entrée (représenté grandeur nature – 1,05 m –, il est gravé et sculpté en bas relief, rehaussé de couleur rouge), orienté en direction du soleil levant de l’hiver, avec la mâchoire inférieure recourbée (bécard : attitude du mâle épuisé par le frai), est caractéristique de sa période de reproduction, uniquement en hiver (c’est d’ailleurs seulement à ce moment-là que le soleil est assez bas pour éclairer la gravure au plafond, dans la direction du saumon).

 

À Cosquer, dans le Massif des Calanques (près de Marseille), si la grotte profonde n’a jamais servi d’habitat, elle a pourtant été assidûment fréquentée, à en juger par les traces d’activité sur les parois, les superpositions de figures, les restes de feux et de torches. Deux périodes principales sont attestées : la plus ancienne entre -27 000 et -22 000, la seconde entre -17 700 et -16 000, correspondant respectivement au Gravettien et au Salpêtrien local. La question de l’abandon de la grotte se pose, puisqu’elle ne fut condamnée par l’eau que des millénaires plus tard et qu’on ne sait pas si elle fut visitée entre les deux périodes majeures de fréquentations ou après.

Au cours de leurs visites, les Paléolithiques sont allés partout : on trouve leurs traces dans des failles en hauteur comme dans des laminoirs, et leurs tracés digitaux sur des voûtes très basses ou hautes. Les zones périlleuses (Grand et Petit Puits, bords de fissures profondes) ont attiré de nombreuses œuvres. Pour ceux qui fréquentaient ces galeries et ces salles profondes, il s’agissait d’un véritable monde de l’au-delà, qui devait leur paraître étrange avec ses concrétions sur les sols et les voûtes, ses puits insondables et ses parois molles et perméables. Ils essayèrent d’en tirer parti d’un point de vue spirituel et matériel. Leurs actions révèlent la signification vitale qui lui était accordée et le rôle qu’il jouait dans les pratiques magico-spirituelles du temps.

 

Les chevaux, 63 en tout, représentent 36% du bestiaire. Le thème du cheval, dans un cas sur deux (31), est réduit au protomé (tête avec esquisse du poitrail et de la crinière, parfois avec le départ de la ligne de dos). Les rares animaux entiers (14) ne sont qu’exceptionnellement sexués, mais toujours avec un pénis. Les caprinés (28 bouquetins et 4 chamois possibles) et une antilope saïga constituent le second groupe le plus important (33), bien que près de deux fois moins nombreux que les chevaux. Parmi les 24 bovinés, on trouve 10 bisons et 7 aurochs, les autres étant indéterminés (quasiment tous les bovinés étant frustes et fréquemment ambigus, difficile à identifier avec certitude). Contrairement aux autres espèces, aucun ne porte de projectile barbelé ou empenné, et seulement deux sont affectés de traits rectilignes. Parmi les cervidés (17), on trouve 11 cerfs, 4 biches, et 2 cerfs mégacéros. Les signes les affectant sont peu nombreux. Parmi les 16 animaux marins, 3 pingouins noirs représentent, scène unique dans l’art pariétal, le combat de deux mâles pour une femelle. On trouve également 9 phoques au corps effilé qui, à une exception près, sont atteints par des projectiles. Les autres animaux sont peu nombreux, se réduisant à une tête de félin isolée et à trois animaux composites (à un corps et/ou une tête de cheval sont associées soit des cornes de bison, soit une tête d’élan).

On identifie en tout douze espèces animales (chevaux, aurochs, bisons, cerfs, mégacéros, bouquetins, chamois, félin, saïga, phoques, pingouins, élan), alors que l’on en dénombre que six à Niaux et neuf à Lascaux, où pourtant on compte plus de quatre fois plus de représentations animales qu’à Cosquer. Les compositions sont symboliques et ne constituent pas un reflet fidèle de l’environnement (pas d’astres, pas de végétaux, les scènes sont rares). La faune figurée se distingue de la faune consommée (même si un peu de cheval et de bison mangés, plutôt au Magdalénien). Le choix des espèces apparaît donc sélectif et constitue la charpente d’une mythologie complexe.

Le cheval (plus élevé que les bovins) incarne symboliquement la force et la vitalité (il se met à hennir avec concupiscence dès qu’il aperçoit sa jument) : c’est le masculin, souvent associé au royaume des morts. L’aurochs/ « taureau » est l’autre polarité sexuelle, psychique et spirituelle : il est féminin par sa puissance reproductrice et ses cornes « lunaires », à une époque où les humains n’avaient pas encore découvert le processus de reproduction ; par sa puissance, sa stature massive, il évoquait également l’aspect redoutable de la nature. Chez la plupart des cervidés, seul le mâle porte des bois (chez le renne, le mâle et la femelle portent des bois ; toutefois, les bois du renne mâle sont beaucoup plus grands que ceux du renne femelle). Les bois tombent et repoussent chaque année pour atteindre leur plein développement durant la période de rut. Ils jouent un rôle de caractère sexuel secondaire. La croissance se déroule de façon continue sur un an. Au cours de leur croissance qui débute au printemps, les bois sont d'abord recouverts d'un tissu tégumentaire (le velours) qui assure la protection, la vascularisation et l'innervation de ces organes. Ce tissu se dessèche et tombe lorsque la croissance osseuse est achevée (vers la fin de l'été). Les bois, devenus un tissu mort, resteront à nu pendant toute la période de rut. Après la période de rut, à la fin de l'hiver, le bois se détache du crâne et son emplacement reste marqué par un pédicule jusqu'à la croissance des nouvelles pousses.

 

On recense donc 177 animaux, un humain, 65 mains négatives, 216 signes dont 8 sexes (un phallus gravé sûr, un masculin et 6 féminins possibles). Sur ce phallus gravé, le gland, nettement marqué par un trait transversal, est surchargé d’un autre trait perpendiculaire pour représenter le méat (orifice externe de l’urètre), et bien que schématiques, les bourses sont figurées par deux cercles.

Des bris de stalagmites (surtout) et de stalactites, avec enlèvement des fragments et des prélèvements de mondmilch (ou « lait de Lune » : dépôt blanchâtre, formé d’eau et de calcite, qui ne durci jamais complètement), souvent associés à d’innombrables tracés digitaux, portant des dessins (animaux ou signes) ou des marquages particuliers, sont attestés dans toute la grotte sur des surfaces considérables. Partout où il fut possible de racler le mondmilch (« lait de Lune ») et de prendre ce « liquide quasi sec » blanc, cela fut fait. Comme à toutes les époques et sur divers continents, ces dépôts calcitiques réduits en poudre (ainsi que les stalagmites et stalactites écrasées), provenant de cavernes, furent largement utilisés en médecine pour le carbonate de calcium. Les effets bénéfiques de cette substance ne pouvaient que renforcer la croyance en l’efficacité des pratiques magiques dont elle devait être entourée. Cette pratique a duré très longtemps, ayant commencé et s’étant développé à la Phase I (vers -25 000 / -26 000), puis s’étant poursuivie au cours de la Phase II (vers -16 000 / -17 000).

Des piliers et massifs stalagmitiques furent fréquemment marqués de traits noirs. Une stalagmite cylindrique évoque un sexe masculin : elle est cerclée, à 10 cm sous le sommet, d’un trait noir horizontal dans un rétrécissement naturel de la concrétion.

Des dizaines de stalagmites délibérément tronquées ont subi des percussions violentes. Presque toujours, les extrémités cassées ne se trouvent pas au pied des concrétions tronquées ni dans leur voisinage, pas plus que dans d’autres parties de la grotte (tout comme à Gargas, Hautes-Pyrénées ; à Hornos de la Pena, Cantabrie ; à Cougnac dans le Lot). Il faut en déduire que les fragments brisés ont été sortis de la caverne. Ce fait est à mettre en parallèle avec l’attitude des paléolithiques vis-à-vis de la paroi.

 

Les points, peu nombreux (14), sont rouges ou noirs. Les signes composés (grande catégorie, 48 éléments) sont formés de traits le plus souvent rectilignes : 15 signes en bandes développée, tous gravés ; les signes ovales (8) et sinueux (5) sont peu nombreux.

 

Parmi les motifs humains, les empreintes de mains négatives occupent une place prépondérante (quant aux symboles sexuels féminins, ils comprennent des gravures et des dessins noirs, certains autour de creux naturels). Leur total (65) classe le site parmi ceux qui, en Europe, en recèlent le plus grand nombre, derrière Gargas et à égalité avec El Castillo. Les mains noires sont majoritaires (44 et 21 mains rouges), tandis que les mains gauches dominent sur les droites (43 contre 22). Près de la moitié des mains (29) ont des doigts incomplets, comme à Gargas. Une douzaine de mains a été volontairement « annihilée » par incisions, raclages ou grattages. Les 35 mains noires près du Grand Puits ne portent aucune trace de telles actions. Les mains négatives, généralement robustes, appartiennent toutes à des adultes. Certaines, aux doigts effilés et aux attaches graciles, pourraient être féminines. Aucune n’est attribuable à un enfant. Pour autant, un enfant, au moins, eut accès au plus profond des galeries (on lui fit imprimer la main dans la surface molle de la roche, on rechercha pour se faire un endroit élevé et un adulte assez grand le souleva) ; enfant(s) et adultes n’agirent pas de même pour ce qui est de l’impression des mains sur la paroi.

Les tracés digitaux ont été faits partout où la surface des parois et des voûtes le permettait, souvent en des endroits improbables, comme l’extrême fond d’un boyau rampant, très haut sur la voûte, ou encore au bord du vide. Selon ces localisations et leur répétition, ce qui comptait, c’était le geste lui-même : imprimer sa marque sur le support pariétal signifiait aller au-delà des apparences, entrer en contact avec la puissance surnaturelle cachée au cœur de la roche, la libérer en incisant sa surface ou capter de la main une parcelle de son pouvoir.

 

Dans le groupe espagnol des cavités à gravure extérieure profonde, on a signalé des représentations animales similaires à l’intérieur de quelques grottes, comme le bison acéphale proche du Panneau des Mains du Castillo, sachant que des bovidés sont souvent associés aux couples de traits rouges de La Pasiega D.

Des parallèles entre ce groupe et les peintures intérieures se trouvent au Castillo, où un cheval jaune fut identifié près de bisons de même couleur sur le Panneau des Mains. Nous n’écartons pas non plus les chevaux rouges de Chufín, qui répondent au même schéma que les précédents bien que sans tête aussi rectangulaire, ou les aurochs jaunes de Candamo, au train antérieur surdimensionné et à la tête presque triangulaire, également accompagnés de nuages de points.

La relation entre les signes intérieurs de Chufín et de Llonín (surtout les barres et les rangées de points rouges) est connue depuis longtemps. À Llonín, les signes mentionnés sont associés à un humain de profil et à un signe serpentiforme, dont les seuls parallèles se limitent à un humain en vue frontale à Chufín, à trois humains de profil et à un serpentiforme gravé dans la Galerie des Anthropomorphes de Tito Bustillo, où des représentations de vulves sont également associées aux rangées de points, de barres, de signes laciformes (en forme de lacet) et de mains négatives. Dans la grande grotte ornée il y a une quinzaine de milliers d'années de Tito Bustillo (dans les Asturies espagnoles), un lieu retiré est consacré à un panneau entier tapissé de triangles pubiens (« le Camarin des vulves », un camarin étant une niche religieuse ou une révérence profonde), ailleurs, la caverne est décorée d'animaux (chevaux, rennes). D’ailleurs, ici comme dans quelques grottes (Gargas, Saint-Marcel, Roucadour), des alcôves peintes en rouge ou des fentes rougies évoquent des vulves féminines, la lumière des feux découpant dans le calcaire de couleur claire une entrée aux formes sinueuses et suggestives, ouverture de grotte qui fait penser à l’organe sexuel de la femme. Les vulves sont aussi présentes à l’extérieur de La Lluera II ou à l’intérieur de Micolón.

Les files de points, couples de traits, barres, laciformes, disques et mains négatives sont une constante, répétée à des degrés variables à Cudón, La Lloseta (avec un bison et deux chevaux sur le panneau du fond), Fuente del Salín, La Garma, Balmori ou Calero II. Toutefois, certaines des grottes du groupe à traits ponctués comprennent d’autres figures rouges, qui, comme pour les gravures, suggèrent une relation avec des phases anciennes. C’est le cas de Tito Bustillo avec deux chevaux ponctués dans la partie basse du Panneau principal, ainsi qu’une figure anthropomorphe comme celles de la Niche des Vulves, ou encore d’Altamira avec des mains positives rouges, des séries de points et des couples de traits associés aux chevaux rouges. La thématique de ces ensembles anciens, à mi-chemin entre Aurignacien et Gravettien, est centrée sur les bovidés (surtout bisons), avec une moindre présence des chevaux et des biches, et quelques conventions formelles qui dureront. De même, la position inférieure dans la stratigraphie pariétale des principaux panneaux de Castillo, Llonín, Tito Bustillo, Candamo, La Garma, suggère que les débuts de l’expression graphique, dans le Paléolithique supérieur cantabrique, se caractérisent par des signes (barres, laciformes, couples de traits, cercles, rangées et nuages de points) et des motifs anthropomorphes (en vue de profil et de face, vulves, mains négatives), alors que bovidés et équidés sont les animaux les plus communs. Les anthropomorphes (profils, vulves et main) de Tito Bustillo, associés à ce type de signes, pourraient dater de -31 000. En position inférieure, sur le Panneau principal, on trouve bisons, chevaux et vulves, ces dernières identiques à certaines de la Niche des Vulves.

Les données disponibles changent considérablement nos idées sur les peintures à traits ponctués. Au Gravettien, il semble que les éléments rouges augmentent, associés aux rangées de points et aux signes rectangulaires, alors que les représentations humaines rouges disparaissent quasiment.

La stratigraphie pariétale montre une phase initiale où la thématique humaine (profils, vulves, mains négatives) reste importante jusqu’au Solutréen. Elle est directement associée aux signes mentionnés à La Viña, El Conde, Tito Bustillo, Castillo, La Lloseta, La Garma, Chufín et Llonín.

Seules les rangées de points se prolongent jusqu’au Magdalénien. L’iconographie animale est moins abondante, avec des représentations isolées ou peu nombreuses (Llonín, Tito Bustillo et peut-être Altxerri), parfois centrée sur le binôme bovidé-équidé avec d’autres espèces moins communes (cerfs) et, parfois, avec des « animaux dangereux » comme on en connaît ailleurs à la même époque, tels que félins et ursidés.

 

On retrouve dans les grottes ornées de Combe-Nègre (dans le Lot, à la limite du Quercy et du Périgord) une impressionnante accumulation de ponctuations majoritairement noires (près de 480) et quelques-unes rouges (15). La première galerie, guère impressionnante mais pas inintéressante (zone ornée à faible distance de l’entrée, dessin d’une petite main négative dans l’axe du conduit fossile), se compose d’un étroit couloir descendant jusqu’à une minuscule rotonde où l’on ne tient qu’un par un, en position incommode. Qu’il s’agisse de l’une ou l’autre des galeries, leur accès devait être réservé à un (très) petit nombre d’individus. Nous sommes ici en contexte difficile, intime, voire individuel. Si la première galerie se range dans la catégorie des sanctuaires mineurs du Gravettien quercinois (-29 000 à -24 000), la seconde interpelle par son extrême pauvreté thématique. Cette profusion d’un signe aussi élémentaire que des ponctuations, isolées ou groupées, alignées horizontalement ou accumulées sur quelque point topographique remarquable (le cône de la première salle), avec des clins d’œil chromatiques qui interpellent (15 points rouges pour 140 noirs des registres horizontaux des deux principaux panneaux). On a affaire ici, dans ce sanctuaire, à une sorte d’appropriation des lieux pour quelque activité spirituelle que cette monotonie picturale rend encore plus énigmatique et plus que jamais cultuelle.

Les panneaux ouvrant et fermant le dispositif pariétal sont réalisés sur un même schéma : lignes horizontales de ponctuations noires associées à quelques rouges. Un panneau de treize ponctuations digitales noires, un petit bison noir, deux représentations de chevaux superposées peintes au doigt ressemblent aux canons et conventions de certains équidés du Pech-Merle.

Avec ces exemples, on voit clairement que les signes géométriques minces (des bâtonnets avec ou sans expansion latérale) sont des schématisations de phallus, les signes pleins (des ovales, cercles, quadrangles, souvent fendus par un trait vertical) des équivalents de vulves. On a ainsi à faire à un dualisme masculin/féminin : bisons, aurochs, triangles, ovales, rectangles et signes claviformes (en forme de clé) seraient « féminins » ; chevaux, bouquetins, cervidés, mammouths, points, bâtonnets et signes barbelés seraient « masculins ».

 

C’est avec l’humain de Cro-Magnon que l’on a enfin des images de l’homme et de la femme préhistorique, grâce à l’épanouissement de l’art figuratif dès -40 000 ans environ, même si les représentations humaines restent rarissimes. Après l'apogée des organes génitaux à l'Aurignacien, au Gravettien la situation change radicalement. On assiste à une production standardisée de statuettes anthropomorphes féminines stéréotypées : ces fameuses Vénus paléolithiques, statuettes « transculturelles » étant donné leur répartition chronologique et géographique. Les représentations de la femme en statuettes sont d'une facture et d'un style très différent de celles de l'art pariétal. Les Vénus ne sont pas réalistes, les traits sexuels sont accentués, elles sont souvent inexpressives, sans mouvement, d'une symétrie presque parfaite. L’art mobilier s’observe pendant la même période que l’art pariétal, de l’Aurignacien à la fin du Magdalénien et, en gros, sur le même territoire. Les Vénus font cependant exception : l’aire de répartition est extrêmement vaste, plus vaste que celle de l’art paléolithique. Elle comprend : la France (Pyrénées et Dordogne), l’Angleterre (un seul exemplaire), l’Italie, l’Allemagne, plusieurs ex pays de l’est, la Russie y compris la Sibérie. Une exclusion importante est à noter, l’Espagne, qui jusqu’à présent n’a donné qu’une ou deux statuettes (douteuses de surcroît). Le nombre de Vénus paléolithiques connu est très important, voisin de 250. Partout en Europe, d'Ouest en Est, de l'Atlantique à l'Oural, on retrouve ces caractéristiques : hanches larges, seins pendants, visage lisse et formes amples. Deux exceptions confirment la règle quant à la non-représentation des traits du visage :

  • Dolni Vestonice en Moravie (en terre cuite : malgré la distance, les pièces russes montrent la même opposition entre celles qui entrent bien dans le schéma Leroi-Gourhan et celles qui s'en écartent manifestement)
  • la « Dame à la capuche » de Brassempouy (elle représente, dans un style réaliste en contraste total avec la Vénus de Lespugue, une tête de jeune femme, soigneusement coiffée, presque un portrait si la bouche n’avait pas été omise. Et cette omission, compte tenu de la virtuosité du sculpteur, n’est pas un oubli).

 

Ces Vénus sont accompagnées d'un cortège de statuettes zoomorphes basé plus ou moins sur l'association mammouth, félins et ours. Les thèmes, empruntés à la nature environnante, faisaient l’objet d’une sélection qui accordait une nette préférence aux animaux forts et imposants, ainsi qu’aux femmes. Ensuite, les symboles sélectionnés étaient intégrés dans une action rituelle qui se déroulait au centre du campement et à laquelle l’ensemble de la communauté assistait, y compris les enfants, ces rituels englobant une mythologie développée.

 

On distingue deux styles, deux époques dans les représentations de femmes : au Gravettien, les figurations féminines sont réalistes (ce sont les Vénus et les reliefs, et des symboles sexuels simples), au Magdalénien elles seront plus schématiques.

 

Pendant le Gravettien (-27 000 à -20 000), les représentations féminines deviennent plus fréquentes car elles se retrouvent dans toute l’Europe (disons même Eurasie), jusqu’à la Russie et même la Sibérie (Asie de l’extrême Nord-Est) : la période de -23 000 à -20 000 pourrait s’appeler l’âge des statuettes. Ces statuettes sont loin de suivre un canon unique exaltant les formes généreuses de femmes, peut-être enceintes : il y en a aux belles fesses (callipyges), d’autres aux fesses et hanches grasses (stéatopyges) et certaines plus longilignes. Elles ont dans l’ensemble une attitude figée, leur visage est rarement figuré alors que le corps est assez réaliste. En fait, ces statuettes n’ont qu’une seule caractéristique commune, leur absolue nudité (seuls un bracelet ou un collier venant quelquefois parer le corps de la muse) ! De nombreuses statuettes ont été volontairement brisées, les morceaux étant ensuite dispersés dans l’habitat, certainement lors de rituels (la « Dame à la capuche » de Brassempouy fut retrouvée avec pas moins de neuf fragments de statuettes féminines en ivoire de mammouth). Le fait que des objets rituels et des figurines humaines aient été trouvés aux mêmes endroits que des objets d’usage quotidien brisés ou rejetés démontrent qu’ils perdaient toute valeur dès le rituel accompli : seule la pratique magique et spirituelle leur prêtait un sens, l’art restant un art populaire, artisanal, tandis que la spiritualité était réduite au respect d’un grand nombre de forces élémentaires (le foyer, le sol des ancêtres). Les formes artistiques ne sont alors que des symboles aux significations diverses sans liens avec des mythes précis ou des idées spirituelles définies. Pour autant, la diversité thématique artistique et le développement de leur style depuis les formes naturalistes jusqu’aux formes abstraites en passant par les formes réalistes témoignent que la magie primitive a été dépassée, autrement dit que des idées spirituelles précises se sont formées (nombre d’idoles féminines qui incarnent la fertilité portent une ou deux marques gravées sur la face arrière, le plus souvent au niveau des hanches, avec un triangle ou un méandre caractéristique de la fécondité du triangle pubien, par analogie avec l’eau).

Certaines d’entre elles recevaient des offrandes (pattes de bison, outils), tandis que d’autres étaient ensevelis dans des petites fosses qui leur étaient destinées souvent non loin du foyer, point vital du groupe : autels privés pour un culte rendu à des entités particulières – ancêtres, forces, esprits –, actes d’intention prophylactique – « veiller sur », qui préserve de tout ce qui pourrait être nuisible, en particulier en ce qui concerna la santé –, dépôts de fondation pour porter chance aux habitants d’une nouvelle habitation, sacralisation de l’espace, …. Le feu, maîtrisé vers -400 000 ans, a considérablement influencé le développement des échanges humains et sur leur convivialité. Le foyer est un lieu de resourcement, de réconfort, d’échange et de protection, il réunit tous les ingrédients de la sacralité, là où précisément la matière se transforme au service de la volonté humaine, sous une forme collective et ostentatoire. Le feu est l’épreuve, la marque du pouvoir humain étendu à la Nature, ou à l’humain lui-même, là où sa dignité fut bafouée.

 

Ces émouvantes représentations exaltent le mystère de la fécondité et de la vie humaine, que porte la femme. Elles peuvent également indiquer l’appartenance à un groupe, sachant que certaines cultures pratiquent la matrilocalité (la constitution du foyer domestique au lieu même de l’habitation des femmes, les hommes étant alors des pièces rapportées, provenant d’un groupe extérieur – notamment pour éviter les problèmes de consanguinité et favoriser les alliances, l’homme pouvant partir quand il le souhaite puisque la femme reste sur place, chez elle), voire la transmission matrilinéaire du statut ou du rôle social.

 

Les figurations partielles masculines (pariétales ou mobilières), n’appartiennent qu’à un seul type, le phallus, et ne sont pas très nombreuses (même si elles le sont plus que les représentations globales, le corps en totalité ou presque). Elles n’en constituent pas moins un ensemble qui est loin d’être négligeable. Un rapide décompte montre une quarantaine de représentations pariétales ou mobilières. Depuis l’Aurignacien elles couvrent tout le paléolithique supérieur sur la majeure partie de l’Europe : France, Espagne, Moravie, Autriche, Pologne. Ceci marque nettement l’intérêt exceptionnel porté au sexe masculin. Point remarquable, le sexe est ainsi au Paléolithique la seule partie du corps masculin à mériter un traitement artistique (contrairement aux fesses et seins féminins). Ces images trouvent leurs exacts correspondants du côté des images féminines sous la forme d’un intérêt soutenu pour la représentation du triangle pubien.

 

En Moravie, au Gravettien, de nombreuses petites statuettes sont ornées de deux protubérances ovales : certains y voient des seins de femme montés en collier quand d’autres estiment que ce sont des représentations phalliques. Quelques statuettes masculines ont aussi été découvertes sur le même site ; cette association est exceptionnelle pour l’époque mais deviendra plus fréquente au Magdalénien. Les enfants ne fabriquaient pas ces figurines mais ils avaient un rôle actif dans le processus.

La comparaison avec d’autres statuettes paléolithiques baptisées « sculptures sur supports suggestifs », conduit à considérer la statuette phallo-féminine « Vénus des Milandes » (commune de Castelnaud-la-Chapelle, Dordogne) comme attribuable au Gravettien-Protomagdalénien, de par l’expression d’une combinaison synthétique associant intimement deux formes, l’une féminine, l’autre phallique.

Les Paléolithiques du Périgord ont employé comme support des galets à forme suggestive dans lesquels ils ont vu le potentiel plastique. La tête, de forme nettement phallique, est dégagée du corps par un sillon sub-horizontal. Ce dernier marque le cou (en cas de tête) ou la limite proximale du gland (en cas de phallus). La tête-phallus a une surface lisse et aucun détail du visage n’est visible, ni d’un côté ni de l’autre. Une face de la tête est plate, celle opposée est convexe. Les bras et les seins ne sont pas représentés.

Sur les surfaces du support qui étaient concaves à l’origine, les traits possèdent souvent un profil en V, plus ou moins symétrique. Sur les surfaces convexes du support, mais aussi parfois sur les surfaces concaves, les traits présentent un profil en V-asymétrique qui confère un faux relief. Le bord le plus oblique de ces traits asymétriques est, à plusieurs endroits, adouci par un grattage. Il s’agit là d’une technique remarquée pour la « femme à la corne » de Laussel.

Certains sites du Paléolithique supérieur, en Périgord (dès l’Aurignacien, mais surtout au Solutréen), ont livré des dizaines de petits galets dont on ignore totalement la fonction et les processus de polissage.

Un objet protomagdalénien de l’abri Pataud trouvé en place non loin de restes humains féminins, interprété comme une sculpture en forme d’animal, offre une autre lecture parallèle qui semble même plus convaincante. Il s’agirait en fait d’une statuette féminine. Si l’objet est tourné de 90 degrés, une image féminine semble évidente, image qui montre certaines ressemblances de conception avec la statuette des Milandes. Encore une fois, il s’agit d’un objet naturel, légèrement aménagé en représentation féminine. Il y a un minimum de travail de mise en forme pour mieux dégager la tête, les seins, le ventre et les jambes.

L’abri du Facteur (Tursac, Dordogne) a livré un galet de calcite ambrée, transformé en représentation féminine. Cette statuette, précisément datée du Gravettien (-23 000), est haute de 8,1 cm, donc à peu près la même taille que celle des Milandes. Elle présente les mêmes contours lisses, en partie naturels, et le même dos arqué. Les fesses et les cuisses ont été soulignées par un trait gravé qui marque la taille ainsi que le pli entre le ventre et les cuisses. Certains chercheurs ont voulu voir une évocation phallique dans le piédestal qui descend entre les jambes repliées.

À Monpazier, on a trouvé un galet naturel (limonite-quartz) de forme curieuse, transformé en figure féminine. Comme la statuette des Milandes, cet objet a été trouvé dans un champ cultivé.

À part le support en galet naturel, la seule similitude avec la statuette des Milandes est la posture, le dos arqué et ventre projeté en avant. Comme la Vénus de Sireuil, celle de Monpazier est nettement plus élaborée, avec des seins, des jambes et une vulve bien indiqués. L’état de grossesse très avancé n’est pas discutable, la taille extravagante de la vulve serait une allusion à un accouchement proche.

Concernant la statuette des Milandes, hormis la tête-phallus qui semble assez évidente et pertinente à l’interprétation, au moins trois lectures de cet objet sont possibles en raison de l’ambiguïté de la forme que l’on retrouve pour d’autres statuettes féminines du Paléolithique supérieur comme certaines de Grimaldi, et surtout celle de Lespugue.

En cherchant à comprendre cette étrange sculpture et en la comparant à une centaine d’autres statuettes, on constate que la ligne formant la taille est concave... sur les deux faces. Cette manière de représenter la taille avec une ligne continue gravée est typique des statuettes gravettiennes et épigravettiennes... mais exclusivement pour la vue du dos. Donc l’objet des Milandes représente deux vues de dos opposées, tout en admettant que cette lecture est une approche représentative peu habituelle. En effet, si l’on accepte cette perspective, on est en présence de deux demi-statuettes qui correspondent bien à ce que l’on voit de dos sur la plupart des autres statuettes féminines paléolithiques.

L’absence des seins ajoute encore un autre élément d’ambiguïté étant donné l’aspect phallique de la tête. Au regard de la morphologie fessière (celle d’un adulte), il est peu crédible d’expliquer l’absence de seins par le fait qu’il s’agit d’un sujet adolescent.

Les statuettes féminines sont souvent anatomiquement ambiguës, disons polysémiques (à plusieurs interprétations) : la Vénus de Lespugue observée de dos, peut être tournée à 180 degrés pour révéler une deuxième femme avec une chevelure différente. Vue de dos, la Vénus de Lespugue montre une sorte de pagne et surtout à la base du sillon inter fessier une protubérance triangulaire assez incongrue. Il suffit de retourner la pièce le pagne devient une chevelure la protubérance le sacrum. La Vénus serait ainsi une sorte de carte à jouer en relief présentant la même image féminine de face et de dos après retournement

À Grimaldi, trois des statuettes montrent cette tendance. La femme au cou perforé a deux visages et un seul corps. La femme au goitre a un seul torse et une seule tête, mais en dessous, elle a deux triangles pubiens et deux cuisses opposées. La femme à deux têtes, comme l’indique son nom, a deux têtes opposées mais un seul corps. Enfin, la figurine double oppose dos-à-dos le devant d’une statuette féminine typiquement grimaldienne à une image animalière. Un dernier exemple existe à Avdeevo en Russie où deux statuettes en ivoire, de conception très différente, furent trouvées emboîtées tête-bêche. La gravure dite « la carte à jouer » de Laussel (avec deux personnes – dont une femme – allongées face-à-face, jambes pliées et décalées) est un exemple de cette ambiguïté, mais l’originalité de la Vénus des Milandes réside dans la forme phallique flagrante de la tête (la statuette des Milandes est la seule à être franchement phallique, même si la Vénus de Tursac a été interprétée comme androgyne).

Il n’y a pas d’exemplaires magdaléniens ou solutréens semblables, même si l’aspect phallique est plus marqué pour les sculptures de ces périodes que pour le Gravettien. Le seul caractère que toutes ces statuettes ont en commun est la posture à dos arqué et ventre projeté en avant, une posture peu fréquente parmi les statuettes féminines d’autres régions d’Europe.

 

Les représentations féminines sont comme leurs homologues masculines, soit globales soit partielles. A l'inverse des images masculines, les féminines sont variées : leur nombre et leur structure sont des indices parlant de l’évident attrait exercé par la femme. La qualité est également parlante, alors que les représentations masculines sont toutes sommaires, réalisées sans le moindre souci du réel et sans la moindre préoccupation artistique. La femme s'inscrit ainsi avec les grands mammifères parmi les thèmes artistiques majeurs de l'art paléolithique.

Les figurations féminines se répartissent en deux groupes. Le premier (de loin le moins nombreux), se compose de figures partielles et sommaires tout à fait comparables à ce qui s’observe du côté masculin. Le second groupe est constitué par des sculptures et des gravures réalisées avec un souci assez évident de reproduire la réalité de façon à la fois satisfaisante et artistique. Cette tendance s’exprime de manières différentes : formes gracieuses, harmonieuses, équilibrées ou stylisées, voire normalisées.


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