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La période Solutréenne (-20 000 à -16 000), contemporaine au maximum glaciaire, voit apparaître une des cultures les mieux circonscrites dans le temps et l’espace (France et Espagne). Les lames de silex sont extrêmement fines (pièces bifaciales « feuilles de laurier ») et le silex est préalablement chauffé à 300°C. L’outillage osseux semble peu développé, mais ils ont inventé l’aiguille à chas (pour coudre plus facilement les vêtements) et le propulseur en bois de renne (pour envoyer plus loin et avec plus de force une lance/sagaie : ils ont provoqué des créations artistiques savantes parce que l’efficacité des propulseurs dépend du rapport entre la morphologie et le poids, et que la forme du bois de renne dont ils proviennent limite les volumes disponibles pour le décor). Il est à noter que nombre de propulseurs portent à leur extrémité une tête de cheval dont le toupet forme crochet. Les propulseurs apparaissent à la fin du Solutréen et disparaissent au Magdalénien supérieur.

 

Comme les humains ont, depuis les débuts du Paléolithique supérieur, autant fréquenté des cavernes que des sites de plein air, les parois des grottes ou abris-sous-roche ne sont pas les seules ornées. L'art solutréen fait exception dans le sens où il est souvent pratiqué en plein air (sculptures en bas-reliefs : la sculpture apparait sur des supports mobiliers au début du Paléolithique supérieur et gagne les supports pariétaux au Solutréen), sur des sites en Espagne, au Portugal et en Italie du Sud.

Sur un rocher de Penascosa à Foz Côa (Portugal), on trouve l’image profondément gravée d’un étalon à trois têtes chevauchant une jument, séquence comportementale exceptionnelle dans l’art paléolithique. À quoi correspondent ces trois versions de l’encolure et de la tête tracées par piquetage ? Il ne s’agit en rien d’une correction, car les trois versions sont exécutées avec sûreté (le piquetage est long à exécuter) et matérialisent trois positions distinctes, équidistantes, décomposant de manière éclatante le mouvement de haut en bas d’un animal excité redressant tour à tour l’encolure ou mordillant celle de sa partenaire comme on peut le voir chez les équidés qui copulent. Si on ne trouve des copulations que gravées en plein air, on peut se demander si cette expression de la vie, souvent détruite car exposée, n’est pas en opposition aux grottes, qui seraient alors consacrées à la mort !

Toujours est-il que ces personnes devaient penser comme des humains observant à longueur de journée leur environnement, les animaux qui les entourent et dont ils perçoivent le moindre mouvement. Une fois ces individus réunis, il leur était demander de représenter un animal observé dans la nature et non de copier un travail existant, de traduire une allure ou un comportement en décomposant son mouvement. On voit ainsi plusieurs dizaines de cas (52 figures) de décomposition du mouvement par superposition d’images successives. La multiplication des contours observée sur ces 52 figures traduit la quatrième dimension, à savoir le temps, et pas obligatoirement l’expression de maladresses ou de repentirs : la multiplication des contours des membres, en raison même de leur organisation, témoigne plutôt de la dextérité d’un artiste maniant avec sûreté son silex pour créer un véritable flou dynamique, reflet des limites de notre perception visuelle (persistance rétinienne) confrontée à l’observation des mouvements rapides (allures) dans la nature. On peut ainsi véritablement parler de « réalisme photographique », voire « cinématographique ».Bien des millénaires plus tard, les animateurs de dessins animés et les dessinateurs de bandes dessinées utiliseront le même procédé.

À une distance d'approximativement 25 km de la vallée du Côa, on trouve une gravure représentant un cheval mesurant 62 cm de longueur. Le complexe de la vallée du Côa est donc le troisième site d'art rupestre paléolithique connu au Portugal jusqu'à ce jour, avec la différence toutefois qu'il ne s'agit pas d'une roche avec une gravure isolée, mais de centaines, peut-être de milliers de gravures distribuées le long d'une vallée.

S'il est vrai que l'on connaît aujourd'hui près de 280 grottes ornementées de peintures dans toute l'Europe Occidentale, il est également vrai que l'on ne connaît que quatre autres sites d'art rupestre en plein air : Mazouco (Portugal), Fornols-Haut (Campôme, France), Domingo Garcia (Segóvia, Espagne) et Siega Verde (Ciudad Rodrigo, Espagne), dans la vallée du Águeda, à quelques dizaines de kilomètres de la vallée du Côa.

La découverte dans la vallée du Côa de centaines, voire de milliers de gravures, nous permet aujourd'hui de penser que l'art paléolithique était initialement représenté surtout en plein air. Cependant, étant plus exposées aux phénomènes naturels de dégradation, les représentations en plein air sont aujourd'hui minoritaires relativement aux gravures et peintures des grottes. D'un autre point de vue, la distribution des gravures le long de presque une vingtaine de kilomètres nous porte à croire que nous sommes en face d'un authentique sanctuaire en plein air. L'exposition préférentielle des gravures à l'Orient et la proximité des représentations d'animaux par rapport à l'eau, suggère une vénération de la rivière (mais surtout de l’eau), qui serait sacrée.

Le maximum de froid est atteint entre -23 000 et -13 000. A cette époque, une énorme calotte de glace s’étend jusqu’au centre de l’Écosse, au nord de l’Allemagne et au nord-ouest de la Russie en englobant la Scandinavie et la Pologne. A sa périphérie, les températures moyennes annuelles sont parfois inférieures de 10 à 15°C à celles d’aujourd’hui. Entre -23 000 et -13 000, la banquise descend jusqu’à Londres, les glaciers sont au maximum de leur extension (en France les glaciers pyrénéens et alpins descendent bas dans les vallées ; Lyon est complètement englacée), des vents glacés et secs provoquent un froid sibérien sur les zones périglaciaires. Chassés par ces langues de glace, les humains et les animaux abandonnent les latitudes septentrionales de l’Europe et les régions dont l’altitude dépasse 500 mètres. En Europe occidentale, les hivers sont longs et rigoureux (minimum -20°C en janvier) et les étés courts et doux (maximum 17°C en juillet). La mer est 120 mètres plus bas qu’aujourd’hui : la Manche et la mer du Nord disparaissent, la Méditerranée se résume à deux petits lacs. Ces nouveaux espaces libérés sont des zones de passage privilégiées des troupeaux lors de leurs migrations saisonnières.

Ces changements climatiques à l’échelle du continent ont influencé la végétation et les déplacements des herbivores, sensibles au froid et tributaires du couvert végétal. Les carnivores (dont les humains), pour survivre, ont dû suivre les grands troupeaux le long des axes fluviatiles et des vallées, de tout temps des voies de migration et de peuplement humain et animal.

 

Au Magdalénien (-16 000 à -9 500), l’outillage en silex est moins soigné, mais l’industrie sur os, ivoire et surtout bois de renne est abondante et variée. A l’aube du Magdalénien, on semble assister dans toute l’Europe a une véritable explosion démographique. Avec la dernière période de récession du froid (de -16 000 à -9 000), plusieurs écosystèmes successifs ont été mis en évidence, chacun avec leur propre biomasse d'ongulés. Du système le plus contraignant (autour de -16 000) au système le plus favorable (vers -11 000), la biomasse augmente dans un rapport de 1 à 23 ; elle chute brutalement ensuite. Il a été retenu que la densité des prédateurs humains a varié de la même façon partant d'une valeur proche de 0 vers -16 000, atteignant plus de 17 habitants par 100 km2 vers -11 000 et chutant fortement ensuite. L'effectif maximum de la population humaine d'Europe habitant le nord de l'arc alpin de la Pologne jusqu'aux confins ouest de la péninsule a pu être estimé à près de 250 000 individus.

Lors du maximum glaciaire, la densité de la population d’Europe centrale et du Nord a décru de façon marquée, plusieurs régions telles que l’Allemagne méridionale et la Grande-Bretagne (alors rattachée au continent) furent presque totalement désertées. Seules deux zones ont constitué des refuges avec une densité de population importante : la zone franco-cantabrique à l’ouest et l’Europe orientale périglaciaire. Les conditions rudes du maximum glaciaire étaient adoucies dans la zone franco-cantabrique par la présence de l’océan Atlantique, sachant que certaines régions de la plaine d’Europe orientale particulièrement bien pourvues de vallées fluviales et de lacs couverts de glace aux ressources variées attiraient davantage encore les animaux et les humains, d’où des migrations progressives de groupes d’humains modernes lors de la première étape du maximum glaciaire, depuis la haute Autriche et la Moravie en direction de l’Est. On assiste alors à une augmentation considérable dans la densité des sites ornés vers -16 000 ans (maximum principal) et -13/-12 000 ans, l’âge du maximum principal étant proche de celui du maximum de la dernière période glaciaire : le nombre de sites ornés décroit de façon considérable après -16 000 au début de l’amélioration climatique du dernier glaciaire, s’accroit à nouveau vers -13/-12 000 ans lors du stade froid Vespien (à partir de -13 000, le climat se radoucit, la calotte glaciaire fond et les glaciers reculent ; parallèlement à cela débute dans la chaîne des Puys en Auvergne, après une période de repos relatif jusqu’à -13 000, un second paroxysme volcanique – sachant qu’entre -43 000 et -8 000, on ne dénombre pas moins d’une trentaine d’éruptions), et disparaît complètement après -9 000, au commencement de l’interstade Allerod.

 

Ainsi, à l’époque du maximum glaciaire, la « nébuleuse aurignacienne » est interrompue : deux régions sont fixées, l’une au nord-est, qu’on appelle périglaciaire, et l’autre au sud, qu’on nomme méditerranéenne.

C’est à cette époque que l’humain invente le harpon à barbelures qui sert à la pêche et à la chasse. Les peintures et les gravures se comptent par milliers et sont souvent impressionnantes de réalisme. Quant à l’art mobilier, il est remarquablement diversifié, avec des milliers d’objets en os, ivoire, pierre. Par la découverte d’une flûte, on sait que les sociétés étaient organisées et les membres avaient le temps de pratiquer des loisirs ou de s’adonner à d’autres arts que graphiques (même s’ils devaient déjà utiliser des éléments naturels comme percussions).

Les armes et objets de la vie quotidienne sont souvent décorés de motifs géométriques ou de représentations figuratives. Il en est ainsi des bâtons perforés (servant de levier pour redresser les baguettes et sagaies extraites des bois de cervidés), apparus dès l’Aurignacien mais qui ne se sont enrichis de gravures complexes et de sculptures qu’à partir du Magdalénien (auparavant, on en connaît gravés de lignes simples et parfois avec le manche terminé en phallus). La forme particulière de cet objet, qui doit posséder un manche pour le tenir fermement et un trou dans la partie élargie pour y insérer les sagaies, offrait d’ailleurs des possibilités de décor bisexué.

 

Il est difficile de suivre le tracé des phallus dont peu sont réalistes. Les plus évidents sont les manches de bâtons percés et quelques sculptures mobilières, sachant que dans l’art pariétal les phallus réalistes sont encore plus rares.

Le bâton percé apparaît dès l’Aurignacien et persiste jusqu’à la fin du Magdalénien. Ces pièces sont taillées dans du bois de renne, le trou étant percé au niveau d’une enfourchure. Ils servaient à redresser à chaud le bois de rennes naturellement coudé, dont les chasseurs faisaient des sagaies. Leur décoration parfois absente ou rudimentaire devient, au Magdalénien, très élaborée parfois originale. Il s’agit d’animaux : chevaux, bisons, cerfs, rennes, bouquetin, mammouths, poissons…mais aussi souvent phallus et plus rarement vulves (bâton orné d'un triangle pubien gravé à Peyrie - Dordogne). Ces nombreux bâtons phalliques sont-ils de simples outils, des objets rituels, voire sont-ils destinés au plaisir sexuel de la femme (des godemichés) ?

 

Les représentations masculines globales sont relativement peu nombreuses, au paléolithique : il n’en existerait que 73. Il s’agit toujours de figures assez sommaires, incomplètes et sans caractère artistique bien affirmé. Le beau comme le vrai ne faisaient pas, à l’évidence, partie des préoccupations des artistes préhistoriques quand ils cherchaient à représenter l’homme, si tant est qu’il soit fondé de parler d’artistes dans ces cas. A l’inverse de ce qui existe pour les représentations féminines, les figurations partielles masculines, pariétales ou mobilières, n’appartiennent qu’à un seul type, le phallus, et ne sont pas très nombreuses. Elles n’en constituent pas moins un ensemble qui est loin d’être négligeable, l’aspect phallique étant plus marqué pour les sculptures magdaléniennes ou solutréennes semblables que pour le Gravettien. Ceci marque nettement l’intérêt exceptionnel porté au sexe masculin. Le fait que le pénis de l'homme soit parfois représenté de façon démesurée nous permet-il de parler d'obscénité ? Un point est très frappant : la fréquence de l’érection (28 cas soit 38%). A ces cas il faut maintenant ajouter les ithyphalliques de Saint-Cirq du Buge, de Pergousset et de Foz-Coa découverts plus récemment. Depuis la fin du paléolithique l'érection ne sera jamais plus représentée avec une telle fréquence. On ne saurait nier qu’il s’agit là d’une manière d’affirmer le caractère masculin d’une figure qui est en règle des plus sommaires, très souvent d’ailleurs il s’agit du seul indicateur de sexe retenu alors que les figures féminines sont en général surdéterminées. Mais ce choix exclusif n’est pas innocent, d’autres critères anatomiques auraient pu êtres employés, épaules larges hanches étroites ou thorax épais par exemple, ils étaient connus et ne posaient aucun problème technique. On note également le contraste frappant avec les représentations animales dont le sexe est en général éludé malgré leur extrême précision anatomique.

 

Depuis l’Aurignacien, la quarantaine de représentations masculines couvre tout le paléolithique supérieur sur la majeure partie de l’Europe : France, Espagne, Moravie, Autriche, Pologne. Il faut surtout noter l’existence de quelques pièces soignées, réalistes quand elles ne font pas preuve de créativité ou d’une surprenante fantaisie : petit phallus pendeloque de Saint Marcel (symétrique exact d’une minuscule pendeloque du même site dont la face gravée représente de façon schématique un périnée), Double phallus de Gorge d’Enfer, Phallus à tête humaine du Roc de Marcamps. Il faut également souligner la Vénus de Weinberg, taillée dans un calcaire dur, recouverte d’ocre, formée par une paire de fesses surmontée d’un phallus, la vue supérieure montrant nettement le méat urinaire. Cette pièce assez extraordinaire n’est cependant pas tout à fait unique. Plus que des célébrations de la maternité/paternité, ces sculptures expriment vraisemblablement une sorte de fascination pour le plaisir sexuel. Dans ce contexte, la Vénus de Weinberg cesse d’être vue comme une image sexuelle ambigüe, mais comme un condensé fort du point de vue des paléolithiques sur cette question, d’un côté le phallus, de l’autre les fesses.

 

On range traditionnellement dans la catégorie des pendeloques, des objets à suspendre dont la seule particularité est de n’être ni des contours découpés ni des rondelles.

On peut penser à certains objets traditionnellement identifiés comme des pendentifs en forme de seins de femmes (collection des terrasses gravettiennes de Dolni Vestonice/Pavlov en Moravie), ou à ces longs bâtons d’ivoire de Dolni Vestonice et du Placard, naguère donnés pour des figures stylisées de femmes lus comme des « symboles de fertilité », qui ont été récemment réinterprétés comme des figures stylisées d’organes sexuels masculins : suspendu de manière à être vu, cet objet apparait comme un pénis humain en érection avec ses testicules (la « Vénus » de Dolni Vestonice, petit objet en ivoire de mammouth, habituellement décrit avec les Vénus, est une pendeloque ; il présente au revers un anneau de suspension et a l’étrange particularité de se prêter à une triple lecture : deux cuisses, un triangle pubien et sa fente traditionnelle à l’époque surmontés par un torse minuscule ; deux seins et un torse ; enfin deux testicules surmontés d’un phallus).

 

Dans la grotte espagnol de Praileaitz I, on remarque plusieurs groupes de pendeloques, distribués aussi bien dans le vestibule (premier des ensembles sur le côté gauche du vestibule : situé près de l'entrée, à proximité du siège et du foyer, il se compose de trois éléments, aux faces et angles arrondis ; les formes dominantes allongées de deux d'entre elles contrastent avec la forme de la troisième, de tendance subrectangulaire ; la texture et la couleur de cette dernière, plus brillante et plus noire, est également différente de celles des deux autres. Seul l'une d'elles présente un décor) que dans un espace exigu situé derrière le siège et non loin de la galerie qui donne accès aux parties les plus obscures et les plus secrètes. Dans la salle intérieure, tout est encore plus exceptionnel. Presque magique. C’est comme si l’espace circulaire avait été balayé, éliminant os et ustensiles. Comme si tout ce qui n’est argile du sol et quelques pierres avait disparu.

Au centre de cet espace, une vingtaine de remarquables pendeloques de pierre noire, la plupart décorées, forment plusieurs colliers. En particulier, un collier d'un mètre cinquante de long formé de quatorze pièces de pierre noire, déposées intentionnellement sur l'argile. Ses pièces, pour la plupart décorées et de formes allongées, sont disposées d'une manière soigneusement ordonnée, équidistante. La symétrie, que l'on distingue parfois dans les décors des pierres, se retrouve dans leur disposition sur le collier : deux limonites discoïdes (coloration dans les tons verdâtres et rougeâtres, qui contrastent avec les couleurs plus uniformes du reste des pendeloques du collier) de forme et de dimensions très semblables, placées aux deux extrémités, dénuées de tout décor. Parfois, intercalés entre quelques uns de ces éléments, on peut également trouver insérées des verroteries de taille inférieure, ainsi que des graines, voire des plumes de différentes couleurs. En effet, on utilisait par ailleurs des plumes de différents oiseaux, des graines et des fruits des couleurs vives pour la parure des corps : plumes de pic vert, grive mauvis, canard colvert, bécasse des bois, geai des chênes et pie bavarde, gland de chêne, fruit du gui et fruit de rosacée. Dans cette même salle, à un peu plus de quatre mètres de l'ensemble précédent, on en trouve un autre, composé de deux pièces.

Au total, vingt-trois pendeloques groupées en cinq ensembles. Sans compter six autres, brisées par leur zone de perforation et localisés, pour trois d’entre elles, sur l’un des côtés de la salle intérieure.

Hormis trois incisives décorées de bouquetin, l’une présentant des taches d’ocre rouge (présence à l’occasion des rites funéraires, puisque traditionnellement sa couleur est considérée équivalente à celle du sang, de la santé et de la vie ; sa capacité à obscurcir est connue), toutes les autres pièces sont de pierre de couleur noire, et beaucoup sont de forme allongée. Dans la zone qui s’élargit en une salle intérieure, dans un espace d’environ quatre mètres carrés, délimité par des blocs, on trouve cinq autres pendeloques. Trois sont fabriquées dans des incisives de bouquetin et décorées. Elles apparaissent tout près les unes des autres. Mais considérant toutes les pièces, on ne peut qu’être frappé par la beauté de l’une d’elles, confectionnée à partir d’un fin galet de couleur noir sombre, troisième collier formé d'une seule pierre perforée aux courbes douces dont l’unique décor se réduit à plusieurs lignes parallèles transversales, dont la silhouette naturelle n’est pas sans rappeler diverses Vénus paléolithiques classiques (tout près de cette pendeloque, on en trouve une seconde, de couleur noirâtre, qui ressemble à s'y méprendre à une canine atrophiée de cerf, de forme phallique, quoique de dimension notablement supérieure ; elle est décorée sur toutes ses arêtes, ainsi que sur l'une ses faces latérales de traits transversaux disposés de manière régulière et compte également un décor sur le périmètre du grand côté de base).

Probablement furent-elles récoltées de manière sélective dans les eaux toutes proches du Deba. Pas forcément pour des motifs esthétiques mais au nom d’un symbolisme que devait revêtir certains de leurs volumes et de leurs contours. La douce texture du galet, ainsi que son aspect brillant, que lui procure l’humidification ou l’entrée en contact avec la transpiration de la peau, purent être également la cause de leur choix.

La personne qui les ramassa en décora la plupart. Sur plusieurs faces et sur les bords, cette personne entreprit de graver des incisions transversales de manière insistante. Toutefois, on apprécie sur chacun des rythmes différents, des groupes de traits, des espaces vides. Offrant de petites incisions plus ou moins profondes, la plupart des pendeloques sont décorées différemment (même si les petits traits parallèles sont pratiquement généralisés sur beaucoup de pièces). Parfois, de rares marques affectent l'un de leurs plus grands côtés; d'autres fois, la totalité d'un côté ou même les deux sont gravés à des distances quasiment égales. Fréquemment, les espaces vides, les rythmes ou les juxtapositions de lignes dessinent des dessins capricieux.

L’utilisation de pièces dentaires d’animaux herbivores ou carnivores pour la fabrication de pendeloques est courante au cours de la Préhistoire. On les perfore, on les décore de différents motifs. Les parallèles de ces dents à plus d’un orifice ne sont pas très abondants, quoique l’on ait connaissance d’incisives de cheval et de cerf, décorées et à double perforation (parfois même à quintuple perforation) à différents niveaux magdaléniens de la corniche cantabrique et du territoire situé au nord des Pyrénées comme à Ermittia (Deba, Gipuzkoa), Arenaza (Galdames, Biscaye), Isturitz (Izturitze-Donamartiri, Basse-Navarre), Mas d’Azil (Ariège) et Tito Bustillo (Ribadesella, Asturies). Effectuée avec une grande précision sur chacune des incisives, la double perforation devait servir à passer deux fines lanières parallèles confectionnées à partir de matières premières animales ou végétales, en fixant la position de la dent, de manière à rendre visibles les incisions décoratives. Une pendeloque est décorée sur toutes ses faces. Mais on en observe mieux sur l'une des faces principales le développement complexe. Des signes quadrangulaires cloisonnés ou bandes horizontales parallèles de différente largeur alternent en respectant un certain rythme. Les plus étroites ne sont pas décorées et s'intercalent par une ou deux entre les bandes décorées. Parmi ces dernières, celles des extrémités présentent des incisions en oblique très serrées, tandis que sur les autres est représenté un motif réticulé créé à partir de lignes obliques tracées dans les deux sens. Diverses pendeloques présentent sur une ou deux de leurs grandes faces de fines lignes parallèles formant des bandes, généralement symétriques. Ces lignes occupent souvent la plus grande partie de la surface. Contrairement aux côtés plus étroits, l'incision pratiquée est très superficielle.

Les canines atrophiées de cerf, ont été très appréciées dans les différentes cultures depuis les débuts du Paléolithique supérieur, même si toutes n’étaient pas transformées en pendeloques. Depuis le premier jour aussi, des imitations ont été réalisées en ivoire ou en pierres de couleurs plus ou moins vives (Gatzarria, El Pendo, etc). La plupart des exemplaires naturels ou imitations sont lisses, encore que certains sont décorés, en règle générale de traits courts.

Ces images trouvent leurs exacts correspondants du côté des images féminines sous la forme d’un intérêt soutenu pour la représentation de la vulve. Sur une des pendeloques, un losange aux fines incisions était représenté. Comportant parfois à l’intérieur un trait longitudinal, ce motif vulvaire se retrouve également sur des sagaies du Magdalénien. Dans ce même ordre d’idées il y a lieu de signaler une petite pièce, connue sous le nom de « coccinelle » de la Laugerie-Basse mais qui est généralement considérée comme figurant une vulve, ainsi que la pendeloque vulvaire d'Enlène.

La découverte d’une série de pendeloques brisées, dans la plupart des cas au niveau de la perforation, est un fait remarquable. Au cours de la Préhistoire, fréquents sont les objets brisés ou détruits localisés dans différents contextes d’habitats et de rites funéraires ; ces bris feraient partie de pratiques rituelles.

 

 

Du Solutréen (-20 000) au Magdalénien moyen (-14 000), la femme sera représentée de manière irrégulière, parfois spectaculaire.

Après l’Aurignacien et son cortège de triangles pubiens, après le Gravettien où les figurations féminines sont réalistes (ce sont les Vénus et les reliefs, et des symboles sexuels simples), une troisième étape s'individualise au Magdalénien avec la production de statuettes stylisées à forte charge symbolique. Les représentations féminines se limitent alors à la mise en relief de l'exubérance des fesses et deux petites proéminences symbolisent les seins, le reste de la statue étant plat et sans motif. La tête n'est plus représentée.

 

Les Vénus sont plus nombreuses à la fin du Magdalénien et dans le quart sud-est de la France, mais exprimées sous la forme de profils fessiers type Lalinde et claviformes (en forme de clé). Typiquement, des figurines de Vénus sont découpées dans de l'ivoire, de la serpentine, du schiste, de la pierre à chaux, de l'hématite, du lignite, de la calcite, de l'argile mis au feu, de la stéatite, de l'os, et de l'andouiller. Les excavations récentes de Wilczyce (Pologne, entre -12 et -14 000), ont également révélé une collection de silex travaillés interprétée comme des figurines de Lalinde/Gönnersdorf. Ces objets en pierre se rapprochent d’un outil long du paléolithique supérieur (silex à « lame étranglée »), mais clairement ces objets façonnés inutilisés soutiennent une ressemblance saisissante avec le modèle des statuettes d'os et d'ivoire (chacun a les fesses voluptueuses caractéristiques et le long tronc l'identifiant comme figurine de Lalinde/Gönnersdorf).

Pour information, on trouve dans l’art rupestre égyptien des dessins délibérément laissés incomplets qui, au regard du style et d’un certain nombre de particularités iconographiques, permettent d’affirmer que cet art rupestre du Paléolithique supérieur montre des affinités étonnantes avec l’art magdalénien récent en Europe. Ce constat est particulièrement évident en ce qui concerne les figures humaines. La plupart d’entre elles sont très similaires aux figures anthropomorphes du type Lalinde/Gönnersdorf. D’autre part, certains des bovinés les plus élaborés de Qurta rappellent les représentations d’aurochs du Magdalénien récent, comme ceux de la grotte de la Mairie à Teyjat (Dordogne, -9 000 : figure centrale de la composition, un aurochs est entouré de deux vaches, et en-dessous se trouve un cheval). Tant les figures de type Lalinde-Gönnersdorf que les bovinés susmentionnés sont datés d’environ -11 000/-10 000.

Les profils fessiers type Lalinde-Gönnersdorf sont la résurgence, au Magdalénien, de l’attrait pour les fesses qu’exprimaient déjà au Gravettien les statuettes Vénusiennes. En évoluant dans le temps, les Vénus devinrent stylisées, plus schématiques, et parfois seule la stéatopygie est marquée : au Magdalénien final, les fesses tendent à devenir le caractère sexuel féminin essentiel sinon unique. Plus l'art paléolithique évolue, plus l'image féminine (et masculine) est simplifiée, voire caricaturée.

 

 

Au Magdalénien tardif et final (-14 000 à -12 500), une nouvelle forme de représentation féminine correspond à l’émergence d’un nouveau message, un art de l’instant, pas fait pour être vu, pas élaboré pour être conservé puisque gravé sur des plaquettes de schiste.

D’assez nombreux sites produisent des plaques ou des plaquettes de dimensions variables, porteuses de décorations gravées. Les supports sont en calcaire, en grès ou en schiste pour les plaquettes, en quartz pour les galets. Trois sites ont produit ces pièces en nombre considérable, plusieurs centaines voire plus du millier : La Marche en Haute-Vienne, Enlène en Ariège, Le Parpallo en Espagne (Valence) qui détient le record de 5 000 pièces sur une période de 13 000 ans.

Les femmes sont représentées sans tête et les jambes ne se terminent pas. Les silhouettes ne présentent aucun embonpoint, les formes sont fines et ne laissent jamais supposer une grossesse. Pour autant, pour illustrer des accouchements en cours (dans un cas, la tête, le cou et les épaules d'un bébé émergent du fessier), plusieurs fines gravures existent à la Marche (Vienne) : ce sont des femmes assises, grasses et gravides, bras levés. L'ensemble évoque un accouchement avec une présentation de la tête, l'accroupissement étant bien la plus naturelle des postures d'accouchement.

Rarement représentées seules, les femmes sont en groupe pouvant compter jusqu’à une dizaine d’individus, le plus souvent en file indienne. Ces femmes ont des tailles différentes pour créer une perspective et rendre plus vivante la danse en forme de ronde. Toutes les femmes sont jeunes et ont la même attitude. Dans la frise sculptée sur la paroi de l’abri rocheux du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l’Anglin (Vienne : les « Trois Grâces », -13 000), se lisent quatre silhouettes stylisées de femmes grandeur nature. Seule la partie médiane de leur corps est représentée. La sculpture est réduite à quelques traits stylisés et le relief naturel de la paroi a été utilisé pour figurer l’arrondi du ventre et le dessin du sexe. La frise inclut aussi des représentations animales : bouquetins, bisons, chevaux.

 

Nous supposons que les artistes paléolithiques ont dépeint des femmes (et des hommes) à partir de modèles autour d’eux. Si cette acceptation de représentations réalistes est correcte, leur art devrait montrer la diversité de leur vie, dépeignant les variations physiques des deux sexes et à chaque âge. L'art animal présente en effet une telle diversité (par exemple, les bouquetins du Panneau des Bouquetins de l'abri de Bourdois, à l’Angles-sur-l'Anglin, qui montre sept sujets, trois mâles et une femelle précédant son veau, puis un mâle suivant sa femelle).

Dans l'art paléolithique c'est une erreur que de maintenir l'image commune d’une représentation exclusive des femmes ou des mères obèses, parce qu’elles ne sont pas la règle générale. Si les représentations humaines sont rarissimes, tous les sujets (de tout âge) de la société sont représentés : on trouve un nombre significatif de sujets masculins, des enfants (et des humains au sexe indéterminé), des vieillards, des nouveau-nés et bien sûr beaucoup de représentations de femmes, sveltes ou obèses (certaines d'entre elles sont enceintes : l'adiposité est généralement lié à cette condition). Cette diversité est une caractéristique essentielle. L'art figuratif humain paléolithique (Gravettien ou Magdalénien) reflète ainsi la diversité morphologique vivante et est à cet égard réaliste. Cependant, on compte une majorité apparente de femmes et d'adultes et une minorité d'enfants (les enfants prépubères, indépendamment des organes génitaux, sont indifférenciés dans leur aspect : ainsi, il est probable qu'un certain nombre de sujets indéterminés soit des enfants).

 

L'art paléolithique supérieur a montré des femmes enceintes ou des parturientes, ainsi que des scènes de reproduction. Quelques scènes d’accouchement sont représentées, ou du moins on peut imaginer que cet état a voulu être représenté : on soupçonne une femme en train d’accoucher en ce qui concerne « les deux personnages tête-bêche » de Laussel, ou bien est-ce deux personnes qui font l’amour dans la position dite de « la carte à jouer » (face à face allongé, jambes imbriquées) ?

Logiquement, il doit y avoir eu des enfants. À Gönnersdorf, quatre figures sont l’une derrière l'autre, une petite forme tournée vers l'arrière est gravé derrière le dos de la seconde du côté droit : c’est la représentation d'un bébé porté et attaché au dos d’une femme. L'attention devrait être appelée sur un détail physiologique : seule cette femme, assumée pour être une mère, est dépeinte avec les seins arrondis, alors que les autres femmes, sans bébés sur leur dos, ont des seins pointus. Une deuxième plaquette montre une figure rudement anthropomorphe, sans membres ou organes génitaux, liée par des lignes à un fessier féminin voisin, avec un abdomen plat et de petits seins. Les préhistoriens voient ceci comme un fœtus attaché à sa mère par le cordon ombilical. À Brassempouy, à la « Grotte du Pape » (à une courte distance de l’endroit où le « Torse » avec l'abdomen enceinte a été trouvé) on a découvert un ensemble « berceau ». Il se compose de deux objets d'os, apparemment sans traces de travail et trouvés en association étroite, l’un ressemblant à un berceau, l'autre à un enfant reposant dedans. On voit aussi un « Nouveau-né » à La Marche : le contour « de doigt de gant » devant le genou était considéré comme un pénis semi-érigé, mais il s’agit plutôt d'un cordon ombilical ! Les membres inférieurs sont légèrement pliés, ce qui est la persistance d’une position de naissance en maintien fœtal. Nous le voyons encore sur le sujet de Fontanet (enfant nouveau-né fille : membres inférieurs fléchis et séparés, fente vulvaire linéaire et frontale, et grande largeur des membres comparés à leur longueur).

Sur une grande galette triangulaire rompue en trois morceaux assortis (La Marche), on trouve de jeunes individus, adolescents ou enfants (le premier a un visage de bébé). À la Laugerie-Basse et à Bruniquel, on voit une « jeune fille » : seuls les organes génitaux permettent l'identification en tant que femme, à moins qu'elle soit une jeune fille. En fait, ce sujet mince, sans marques de maternité ni seins, expose une fente vulvaire droite, étroite et verticale, ce qui est un dispositif infantile (même aspect sur la deuxième figure de Bruniquel). Dans les Angles-sur-l'Anglin, la deuxième figure (avec un abdomen très enflé) est classifiée parmi les jeunes et pré-reproductrices femelles.

Ces femmes doivent être considérées comme des femmes adultes qui ont des seins et/ou un abdomen enflé, et/ou un monticule pelvien en avant, puisque ces caractéristiques sexuelles apparaissent seulement après la puberté. Ce groupe, naturellement, inclut « les figures fessières » découpées ou gravées avec précision, les fesses prononcées étant un attribut féminin d'une femme en post-puberté.

Les femmes enceintes sont celles avec l’abdomen enflé (avec bien plus de certitude que lorsque l'adiposité est normale). Quand leurs seins ne fléchissent pas, elles auront eu quelques enfants (paucigestes : deux à quatre grossesses) et quand ils le font, elles ont probablement eu beaucoup d’enfants (mères multigestes : cinq à six grossesses).

Ces figures féminines ne sont pas des représentations de maternité, on trouve seulement 17% de sujets enceintes. En France, cependant, il y en a un plus grand nombre : 68% au Gravettien et 36% au Magdalénien. Ce pourcentage dépend de la période (c'est-à-dire un facteur chronologique) et également de l'endroit (facteur géographique) : à La Marche, datée du Magdalénien III, le pourcentage des femmes gravides égale toute la période du Gravettien. Il est possible, d'ailleurs, que le pourcentage des femmes gravides soit plus élevé que les abdomens enflés ne l’indiquent : la présence d'un geste abdominal (bras dirigé vers l'abdomen) peut être une attitude de remplacement et peut indiquer la grossesse. Ainsi, les femmes avec un abdomen plat doivent être considérées comme étant enceintes, si représentées dans un modèle descriptif ou schématique. L'importance du monticule pelvien devrait permettre la distinction entre les femmes pré-reproductrices et reproductrices. Ces femmes (particulièrement celles avec un bas ventre triangulaire) sont des mères si les seins tombent, principalement si leur adiposité est augmentée.

 

S’il n’y a qu’une vingtaine d’humains « entiers » (sur une centaine de figurations de bipèdes), très schématiques, bien plus nombreuses sont les figurations de segments corporels, avec un intérêt flagrant pour les parties sexuelles. Au total les figurations humaines paléolithiques montrent des humains nus, des hommes peu nombreux, maladroitement dessinés, chétifs mais souvent en érection, des phallus assez nombreux parfois décorés, des femmes en grand nombre, souvent élaborées ou schématisées, dont seule la partie centrale du corps est retenue (triangle pubien, seins, fesses, abdomen, cuisses). A côté de ce schéma existent des figurations féminines partielles, elles aussi sexuelles : triangle pubiens fendus à l’extrême (il serait presque plus juste de parler de fentes vulvaires entourées d’un triangle), multiples profils fessiers type Lalinde/Gönnersdorf ou claviformes soulignant la persistance à travers tout le Paléolithique d’un attrait majeur pour le massif fessier. Les préhistoriques éludaient tout ce qui était banal à leurs yeux (les mains, les pieds, les traits du visage, la ligne d’horizon ou la vie quotidienne etc.), et s’ils ont figuré des érections, des femmes réduites à la partie centrale de leur corps, des fentes vulvaires et des massifs fessiers, c’est bien parce que la sphère sexuelle était pour eux un centre majeur d’intérêt.

La grotte Cosquer abrite ainsi un phallus gravé dont le gland, marqué par un trait transversal, est rehaussé d’un autre trait perpendiculaire délimitant le méat (canal urinaire mais aussi spermatique) et deux cercles figurant les bourses. L’abri de la Ferrassie présente moult vulves (ou plutôt triangles pubiens féminins) gravées sur bloc, à la grotte de Bédeilhac on trouve la même intimité modelée en argile. Ce thème persistera d’ailleurs durant tout le paléolithique supérieur, jusqu’à l’extrême fin du magdalénien. Les triangles pubiens et phallus traités de façon réaliste sont plus fréquents dans les phases anciennes, aurignacienne et gravettienne, que plus tard. Les triangles pubiens acquièrent rapidement un contour simplifié en forme de triangle ou d’ovale enfermant un trait vertical, graphisme utilisé dans les nombreux cas de signes isolés, sans support du corps humain. Utilisé couramment par les aurignaciens sur les blocs gravés, il évolue rapidement vers des stylisations de plus en plus géométriques et rentre alors dans la catégorie des signes abstraits. C’est la magnification même de la fertilité et de la maternité.

 

Les organes sexuels masculins sont loin d’avoir la même signification que les organes féminins. Les caractéristiques des organes masculins ne semblent compter ni pour les hommes, ni pour les femmes (seule l’érection importe).

Depuis que les humains sont habillés pour l’hiver permanent, un plaisir très prisé (quoique interdit, même avec une femme consentante) est la vue des organes génitaux. Les organes génitaux féminins sont la source la plus précieuse du plaisir et sont le symbole du sexe.

 

Les organes féminins sont un objet de souci qui touche aussi bien les hommes que les femmes. Cette préoccupation se comprend aisément quand on découvre ce que cache cette partie du corps féminin. Pour les hommes, c’est la partie du corps des femmes la plus désirable. On peut même dire que c’est la seule partie auquel l’homme porte réellement son attention, sachant que la préférence pour cette partie n’est pas inconditionnelle : le désir des organes génitaux d’une femme dépend de plusieurs aspects, comme la taille des petites lèvres (il existe une technique pour les agrandir).

Ce fait est confirmé par le tabou de l’inceste. Les règles qui régissent la distance entre les gens qui doivent éviter toute relation sexuelle sont liées aux organes féminins. Le comportement général des femmes est conditionné par la continuelle préoccupation qui consiste à cacher cette partie de leur corps de façon à ne pas exciter les hommes de la famille. Si les organes génitaux féminins sont bien le symbole du sexe, ils représentent aussi l’identité de la femme sous deux formes opposées : premièrement, sous l’identité de la sœur, de la femme de la famille qui est en dehors du sexe (et sous le tabou de l’inceste) ; et deuxièmement, sous l’identité de la femme sexuée, de la femme qui est en dehors de la famille et qui n’est pas touchée par le tabou de l’inceste. Dans les deux cas, les organes génitaux peuvent être considérés comme le paroxysme des deux identités. Dans le premier cas, ils sont ce qui la définit en tant que sœur en l’obligeant à suivre certaines conduites vis-à-vis de son frère, comme à respecter une certaine distance sexuelle. Dans le second cas, ils représentent la partie du corps la plus prisée parce que la femme porte en elle le véritable symbole du sexe. Tout se passe comme si ces significations n’ont pas assez d’espace pour prendre place sur les organes génitaux de taille normale, raison pour laquelle les organes génitaux doivent être grands : leur grandeur témoigne de la place privilégiée qu’ils occupent.

 

Les élégantes silhouettes des « Dames de Gönnersdorf » (Allemagne), au corps de profil, à la cambrure bien marquée, se retrouvent dans d’autres figurations féminines pariétales de la fin du Paléolithique supérieur (voir par exemple les « femmes ployées » de la Roche de Lalinde). Cette posture évoque-t-elle des conventions culturelles, des choix esthétiques, ou des pratiques sexuelles ?

Dans l’art paléolithique, malgré la surreprésentation des femmes, et tout particulièrement des femmes opulentes et souvent enceintes (du moins au Gravettien), les allusions à l’activité sexuelle sont rarissimes et presque toujours discutables. Au premier tiers de l'époque préhistorique, l'érotisme et les scènes sexuelles y sont quasi inexistantes. Aucune scène d'accouplement humain n'est démontrée dans tout l'art de l'époque. Ce n'est qu'au deuxième tiers de la préhistoire que quelques scènes de coït sont représentées, la plupart étant dans la position de la levrette (homme derrière la femme). Cette rareté ne témoigne pas d’un manque d’intérêt pour l’acte sexuel car on sait que les scènes vraies sont rares dans l’art pariétal (les Paléolithiques n’ont tracé des scènes de chasse que de façon très exceptionnelle alors que la chasse aux grands mammifères, même si elle ne constituait pas la principale ressource alimentaire, ne parait pas avoir été pour eux une préoccupation secondaire).

Une seule représentation de coït est indiscutable, celle figurée sur la grande plaquette d’Enlène. Elle représente deux personnages, intimement mêlés, l'homme derrière, en position haute et dominante, enserrant la femme aux cheveux vers l'avant. Il s’agit là d’une position de mammifères tout à fait cohérente avec le rôle de zone érogène privilégiée que nous avons vu se dessiner pour le massif fessier. La femme tire la langue (signe d'extase ou de souffrance lors du coït ?), alors que deux traits verticaux tombant du gland de l'homme pourraient signifier une éjaculation.

Même si la sexualité dans l'art paléolithique est très rare, elle est néanmoins latente dans les esprits, et ses représentations sont le prélude à la douceur et à la tendresse pour certaines d'entre elles.

 

Étant donné le nombre, la qualité d'exécution et la situation des représentations ayant trait à l'humain et au sexe par rapport aux graphies animalières (les figures humaines sont peu nombreuses, justes esquissées, minimalisées, placées au fond des cavernes), on peut difficilement dire que les tabous sexuels n'existaient pas au Paléolithique Supérieur.

Toutes les sociétés ont créé des normes et des interdits dans le domaine de la sexualité, sources de limitations et fondements de structures de parenté. De plus, à partir de la puberté, la disponibilité sexuelle fait des humains des « amoureux permanents » (la fécondation, comme la grossesse et l'accouchement, peut se produire à n'importe quelle saison), ce qui donne tant d'importance à la sexualité, lato sensu (au sens large), dans notre vie de tous les jours, et ce à toutes les époques.

Quand le sexe demeure dans le monde auquel il appartient, c’est une force positive qui donne du plaisir et de la joie aux humains. Quoi qu’il en soit, l’acte sexuel est toujours exempt de tout jugement moral négatif. Ce qui peut être jugé négativement, c’est l’usage qui en est fait dans un contexte inapproprié. Ainsi, le jugement négatif est davantage lié au danger que représente le sexe, plutôt qu’à l’appréciation morale portant sur l’acte sexuel.

Le sexe équivaut au danger, il est une force destructrice qui peut menacer l’ordre social lorsqu’il envahit l’univers familial qui représente justement en grande partie l’ordre social. Le sexe doit être à sa bonne place, dans l’obscurité, dans le silence, il doit être caché et clandestin ; sinon il est danger, inceste et chaos.

En brisant le tabou de l’inceste, les frontières qui définissent les liens de parenté sont transgressées, parce que les liens de parenté sont définis par une absence de contact sexuel. L’inceste peut être perçu comme l’invasion d’une entité par son contraire : là ou règne la famille, il n’y a pas de sexe et, vice versa, l’intrusion du sexe annihile tout lien de parenté. Cet aspect du sexe n’est pas confiné à l’espace familial mais s’étend à tout le social (la sphère du social étant largement influencée par la parenté). Les frontières entre la famille et le sexe doivent être sérieusement préservées et cela n’est pas une tâche aisée. Le sexe devient censuré et confiné à la clandestinité, privé de toute expression socialement reconnue. C’est la raison pour laquelle le sexe, et même le sexe licite, doit être hors de portée de vue, il doit être clandestin. Le sexe représente une limite à la fois stricte et dangereuse mais aussi essentielle et nécessaire, puisqu’elle sert à définir les liens de parenté et l’ordre social. Il existe un parallèle entre la division de l’ici et de l’au-delà, du social et du clandestin (ce qui peut être accepté dans l’ordre social et ce qui doit être caché). Le monde humain, l’ordre social, la famille, l’espace domestique, le temps journalier et la vie peuvent être associés et opposés à l’au-delà, au clandestin, au sexe, à l’environnement, à la mort et à la nuit. Si le sexe appartient au dernier groupe, il est aussi présent dans le premier en tant que menace, danger, intrusion, mais aussi en tant qu’élément autorisant l’établissement d’une ligne frontière entre ce qui appartient à un monde ou bien à un autre. Le sexe devient alors un jeu, ce qui est bien représenté dans les mythes, avec des tours, des obstacles et des dispositifs surnaturels. Il est nécessaire de connaître les règles et de maîtriser le jeu pour en éviter les dangers et en profiter tout à la fois. C’est surtout la question de savoir et de respecter les limites qui définissent l’ordre social, ce dernier semblant pouvoir être perturbé par la seule présence du sexe.

La morale des mythes est alors de résister à l’attraction exercée par le joli vagin et de ne pas perdre sa raison (l’ignorance qui mène à l’inceste représente lui aussi un danger latent lié au sexe et duquel il faut se méfier).

 

Un comportement à connotation sexuelle est permis uniquement entre gens de même genre sexuel et de même âge, ou bien entre les amoureux. À l’exception de ces contextes, la simple allusion au sexe doit être évitée. Ce comportement est lié à la peur de l’inceste. En évitant toute connotation sexuelle, l’espoir est de ne pas réveiller les appétits sexuels entre gens incompatibles, en particulier entre les frères et les sœurs. C’est ce qui cantonne le sexe à la clandestinité, ce qui ne veut pas forcément dire à l’illicité, mais rend tout contact sexuel très difficile (même les épouses doivent se cacher). Les couples mariés, comme les amoureux, craignent d’être découverts, même s’il ne s’agit pas d’un adultère. Le sexe est toujours clandestin et les conditions doivent être arrangées pour que les gens soient bien cachés.

Le risque d’être découvert lors d’une rencontre sexuelle est ainsi vécu comme inhérent au danger du sexe.

Le sexe est dépeint comme une force irrésistible et lui succomber cache de grands dangers, sachant que les esprits peuvent utiliser le sexe comme un leurre pour éveiller la colère au sein du groupe. Le sexe implique aussi d’autres types de dangers qui ne sont pas toujours liés au monde surnaturel mais plutôt à des sanctions sociales ou à des troubles personnels. C’est le cas par exemple des femmes adultères et des maris qui sont confrontés à l’opprobre public à cause de leurs déviances.

 

Comme le sexe est clandestin, il n’y a pas d’espace ni de temps consacré au sexe. Les occasions doivent être capitalisées et cela requiert de l’intelligence, de la futilité et de la supériorité. Les endroits et le temps sont improvisés et les rapports sexuels se déroulent en secret, la nuit ou pendant de courts instants volés à la routine.

Les arguments développés dans les mythes érotiques sont en total accord avec les difficultés auxquelles les humains sont confrontés dans la vie réelle. Le sexe pré-marital est autorisé et largement pratiqué, si bien qu’il n’y a pas de transgression lors d’un rapport sexuel entre une femme et un homme célibataires, ce qui importe étant le consentement de l’un des partenaires (le plus souvent celui de la femme). Dans ce contexte où le sexe se bat pour se réaliser, les tours surmontent les difficultés (au moyen de la magie des esprits, ou des qualités humaines) et acquièrent une grande importance. Cet aspect clandestin du sexe, produit chez les hommes de l’anxiété : ils sont très concernés par « l’accès » à une femme désirée, par les obstacles qu’ils vont devoir surmonter (comme le fait d’être obligé de se faufiler dans une habitation la nuit sans être vu, entendu ou découvert) mais aussi tout particulièrement par le refus de la femme. Ce refus est sans doute l’obstacle principal et doit être résolu par n’importe quels moyens, notamment le « vol astucieux ». Ce qui compte, c’est le tour qui a permis d’accéder au corps désiré et le sexe des personnages présents ne varie pas : le rôle actif est tenu par un homme et l’objet sexuel est toujours une femme. Ce thème principal du tour qui rend possible l’accès à la femme désirée reflète l’une des préoccupations majeures des hommes qui essayent de la même façon de passer outre le refus ou la résistance de leurs femmes, ou qui évitent d’être confrontés à leur volonté.

Le terme de vol évoque ainsi le procédé qui consiste à aliéner quelqu’un par la séduction et/ou accéder à son corps sans son consentement.

Dans le domaine de la sexualité, on ne compte que deux ou trois scènes de préliminaires de coït véritable, ainsi qu'une demi-douzaine de femmes en train d'accoucher. Un petit bloc de calcaire de Terme Pialat (Dordogne) montre une femme de profil, fessue, au sein tombant, et un personnage de face, massif et semblant arborer un sexe masculin allongé, renflé à sa partie supérieure (au gland donc) « en bilboquet ou en massue ». Ce serait une des rares images de couple, avec celle d'un bâton percé de la Vache (Ariège), orné en bas-relief d'un homme mince à fort thorax, porteur de sagaies, d'une femme au fessier rebondi et d'un troisième personnage d'allure masculine. Cette discrétion fait partie du non-dit de ces graphismes qui en est le quatrième thème de l'art paléolithique, après les animaux, les humains et les signes.

Une question se pose à laquelle seule une réponse prudente et nuancée est possible. Il s’agit de tenter de faire la part entre le désir de reproduction et la recherche du plaisir sexuel, les images de maternité et les images de féminité.

Au départ, seule la première fonction a été envisagée par les préhistoriens, d’où l’hypothèse des déesses-mères et la recherche obstinée d’indices en faveur d’une éventuelle magie de la fécondité. En faveur de la reproduction, un argument fort : le nombre de grossesses représentées mais quasi-absence de représentation de l’accouchement. Rappelons qu'il existe une évolution dans le temps de ces représentations féminines et deux grands courants qui ont produit de nombreuses statuettes de femmes : le Gravettien, puis le Magdalénien. Au Gravettien, soixante-dix pour cent des femmes représentées étaient enceintes, avec d'importants dépôts graisseux ; plus que quarante pour cent au Magdalénien. De même, l'artiste insistait davantage sur la représentation des seins (de nourrice). Au Magdalénien, ce sont les figurations vulvaires et fessières qui prédominent.

Un important argument contre : tout au long du Paléolithique les fesses paraissent avoir eu une grande importance mais il s’agit, parmi les zones érogènes majeures, de celle qui est la moins concernée par la reproduction. Si la sexualité avait été centrée principalement sur cette fonction, les seins auraient dû occuper la première place. À cet égard, une évolution semble se dessiner : au Gravettien l’importance donnée aux seins et aux fesses est à peu près égale, au Magdalénien les fesses prédominent, tendant à devenir le caractère sexuel féminin essentiel sinon unique. On relève également une diminution des grossesses représentées.

Autre argument en faveur de la sexualité pour le plaisir : la rareté des représentations d’enfants et l’absence de toute scène associant mère et enfant, de figuration d’allaitement par exemple (la même situation se retrouve d'ailleurs pour les figurations animales). Les enfants isolés sont eux-mêmes très rarement représentés, ce point est d’autant plus remarquable que l’étude des empreintes de pas montre la présence d’enfants aux côtés des adultes dans les grottes ornées. Pourtant la pénétration en grotte profonde ne devait pas être une opération de tout repos et sans danger pour un adulte et encore moins pour un enfant. Dans cette perspective il faut également citer les mains d'enfants négatives de Gargas et les nombreuses sépultures d'enfants. Si les enfants que l’on sait par ailleurs très présents aux côtés des adultes sont éludés ce n’est pas sans raison : ils étaient hors sujet. Les enfants n’étaient pas, pour autant, négligés. Ils étaient de façon courante aux côtés des adultes. Mais banals à leurs yeux, ils n’étaient que peu ou pas représentés. Il est aussi possible que, comme dans les peuplades où la mortalité infantile est très élevée, les enfants n’aient commencé à exister réellement aux yeux des adultes qu’après avoir franchi le cap dangereux des premiers mois, voire des premières années.

 

Il paraît tout à fait possible que la reproduction n’ait pas été au Paléolithique une préoccupation de premier rang. La sexualité pourrait donc avoir été beaucoup plus largement tournée vers la recherche du plaisir. En témoignent les statuettes, dites Vénus, chez qui les éléments sexuels (triangle pubien, seins, ventre, fesses, cuisses) sont majorés alors que tout ce qui n’est pas sexuel est éludé sans pitié. En témoignent également les multiples représentations féminines partielles : triangle pubiens fendus, profils fessiers et claviformes, comme, sur le versant masculin, les ithyphalliques et les phallus sculptés ou gravés.

Les représentations humaines paléolithiques montrent ainsi clairement la place centrale qu’occupait la sexualité dans l’univers psychique des premiers sapiens. Si l’intérêt qu’ils portaient aux grands herbivores, bisons et chevaux, est toujours en grande partie mystérieux, leur traitement de l’image humaine est clairement dirigé par la pulsion sexuelle. Dans ce cadre, les fesses apparaissent assez nettement comme une zone érogène privilégiée. Plus que des célébrations de la maternité, ces images expriment vraisemblablement une sorte de fascination pour le plaisir sexuel.

La sexualité préoccupait fortement nos ancêtres : ainsi, le sexe était tout ce qui touchait particulièrement la vie de l'homme, celle de la femme et celle de l'enfant, mais la sexualité ne concerne pas que la vie quotidienne. Le sexe intervient également dans les religions de la Préhistoire, en positif ou négatif (toutes les sociétés ont créé des normes et des interdits, sources de limitations et fondements de structures de parenté). Rares sont les activités qui ne sont pas liées au surnaturel, qui ne requièrent ni rituels ni chants et qui n’invoquent pas les esprits ou la magie. Le sexe semble être une force de l’entre-deux : il est humain pas essence, mais son lien avec le monde surnaturel montre combien la nature humaine n’est pas suffisante à sa définition.

C’est, dans une certaine mesure, le point qui relie les habitants de la terre et ceux de l’au-delà, aussi bien les esprits que les ancêtres, une porte entre deux mondes complémentaires et opposés : l’ici-bas et l’au-delà. Si nous nous penchons sur l’ordre social mortel, nous trouvons que le sexe joue encore un rôle liminal (stimulus qui est juste au niveau du seuil du perceptible) entre deux sphères opposées (la famille et le groupe). Et si les tabous sexuels ont été et sont encore prescrits pour toutes ces actions, c’est bien parce que le sexe est considéré comme une force gênante qui peut venir gâcher les autres activités.

 

On assisterait au cours du paléolithique supérieur à une socialisation de la sexualité, notamment grâce à une meilleure compréhension de la relation qu’il y a entre le sexe et le monde surnaturel, ces forces non humaines qui font que le sexe est dangereux. Cette relation particulière modèle la conception de la sexualité où le sexe, aussi humain puisse-t-il être, est en quelque sorte enraciné dans un monde non humain.

Les esprits sont rendus responsables de très nombreuses maladies, et quand ils provoquent des maux, le sexe en est la cause première. Les gens qui s’approchent de lieux habités par les esprits après avoir eu des relations sexuelles, des pensées sexuelles, en chantant des chants d’amour ou en pensant à leur bien-aimé, sont des victimes toutes désignées.

Le sexe est comme une porte que les humains ouvrent sur un monde ténébreux.

Il existe des esprits dont le désir d’avoir des rapports sexuels avec les humains est grand, souvent les personnages les plus populaires des légendes, en particulier des légendes érotiques. Leurs relations avec les gens d’ici-bas n’ont pas toujours d’heureuses conséquences pour les humains. Il s’agit d’esprits escrocs, qui aiment montrer leur supériorité sur les gens et les autres esprits, en leur jouant des tours et en ayant un comportement malin. Mais ils apportent aussi aux gens de nouvelles techniques, comme le tatouage (nature sexuelle du tatouage, qu’ils considèrent être « un véritable leurre d’amour ») ou les aident pendant les périodes difficiles, lorsqu’une intervention surnaturelle est requise. C’est leurs relations avec le monde des humains qui les rendent si proches du sexe : c’est la meilleure représentation du sexe, qui peut être pensé comme à la fois enraciné dans le monde des humains et dans le monde surnaturel.

 

Les légendes érotiques nous donnent une représentation exagérée des idéaux du sexe. Deux aspects principaux dans les légendes érotiques sont intéressants si l’on veut comprendre la sexualité préhistorique : d’une part, le parallélisme ou la continuité qui existe entre le sexe des légendes et le sexe de la vie réelle et d’autre part, l’expression de la relation entre le sexe et le monde surnaturel. Je vais discuter de la continuité entre la vie et les légendes, où les aspects qui préoccupent les humains sont les plus représentés. Dans ces légendes, les solutions aux préoccupations des humains sont données par la magie. Ce sont des solutions auxquelles les humains n’accèdent qu’en rêve.

Dans ces légendes, il y a peu de romantisme lié à la séduction et le but principal est de supprimer toute résistance pour accéder aux demandes sexuelles. Les séducteurs utilisent la magie ou les pouvoirs surnaturels qui ont pour effet d’annihiler la volonté de la personne séduite ou qui permettent d’avoir accès à son corps sans être remarqué. Ces types de pratiques trouvent aussi une justification au simple fait d’avoir un rapport sexuel avec une femme. L’intérêt du mythe n’est pas d’éveiller le désir sexuel de ceux qui écoutent, mais de les amuser grâce aux tours astucieux qui ont été mis en œuvre pour provoquer la rencontre sexuelle illicite ou découvrir l’objet du délit. Les personnages féminins ne sont pas toujours les victimes des tours, il leur arrive d’être satisfaits des rapports sexuels autant que l’escroc lui-même. Le rôle joué par les femmes est alors un rôle passif, celui qu’on attend généralement de leur part. Elles peuvent désirer nouer une rencontre sexuelle, mais elles ne prendront pas (et ne sont pas supposées prendre) l’initiative pour autant.

Les légendes ne sont pas simplement un reflet de ce qui se passe dans le monde des humains. Elles sont, avec les mythes et les récits qui concernent les êtres surnaturels, une fenêtre sur le divin et le monde ténébreux. Dans ce cas particulier, ils nous permettent d’avoir un aperçu de ce que les humains ont imaginé à propos du sexe en dehors de la chair et de sa dimension non humaine. Ils nous renseignent aussi sur ce qu’ils pensent être implicite à propos du sexe. Le sexe semble toujours représenter une tension liminale entre deux sphères opposées. Le sexe est le point liant le monde des humains et le monde des non-humains : c’est ce qui attire les esprits et est un leurre pour les humains. Les esprits connaissent les secrets de la force du sexe et les humains ne le maîtrisent pas assez pour pouvoir y résister. La maîtrise des esprits peut seulement être comparée dans le monde des humains à la magie. Dans tous les cas de figures, une intervention surhumaine est nécessaire pour contrôler la force du sexe comme pour y résister. L’amour (l’amour sexuel) est considéré comme une aliénation, comme un sort magique, non comme étant de l’ordre de la nature humaine. Être attiré sexuellement par quelqu’un (de manière passionnée) ne peut pas être pensé sans faire référence à la manipulation de l’esprit de la victime par la magie.


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