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La sélection sexuelle

Simultanément à la génétique il existe une autre pression sélective : la sélection sexuelle. Son objectif est le même que pour la sélection naturelle : transmettre ses gènes en ayant la descendance la plus nombreuse.

Le sélection sexuelle peut parfois sembler en contradiction avec la sélection naturelle : les critères de réussite ne sont pas les mêmes !

La sélection sexuelle peut s'exprimer de deux manières : intrasexuelle et intersexuelle.

 

La sélection intrasexuelle

La compétition se joue ici entre individus du même sexe pour tout simplement avoir le droit de se reproduire. On peut ici parler d'affrontement physique ou les mâles essayent d'intimider leurs congénères par la force. Le mâle gagnant sera donc identifié comme le plus fort, le plus apte. La femelle le choisira afin d'obtenir la descendance la plus vigoureuse possible.

C'est le cas par exemple des gorilles ou existe un mâle dominant qui a seul le droit de copuler ! Les autres mâles sont contraints à des seconds rôles... ce qui ne les empêche pas, en cachette du mâle dominant, de se reproduire avec certaines femelles.

Peut-on assimiler ce comportement à celui des hommes qui fréquentent les salles de sport afin d'obtenir une superbe musculature ?

 

Le sélection intersexuelle

Ici nous sommes plus proches de la séduction et de l'esthétique... Les mâles vont déployer toutes sortes d'atouts afin de se faire choisir par les femelles. Cette compétition peut être assimilée à un "concours de beauté, d'habilité ou d'agilité" où le mâle va adopter une véritable stratégie de séduction pour se faire remarquer par la femelle.

Il faut noter que la notion de "beauté" (sans rapport avec les critères de l'espèce humaine) peut également signifier "en bonne santé". Chez les oiseaux, un mâle doté d'un superbe plumage peut signifier, pour sa femelle, que ce mâle est tout simplement en bonne santé.

Pour le concours de beauté c'est le cas du paon qui est le plus connu, arborant de grandes plumes qui semblent inutiles et embarassantes. Ces attributs ne sont justifiés que pour faire la roue et se faire remarquer par les femelles.

Pour l'agilité et l'habilité on peut décerner une palme au mâle de l'araignée Veuve noire. Afin de pouvoir approcher sa belle (sans se faire dévorer par erreur !) le mâle apporte une proie en cadeau. Madame Veuve noire déguste donc illico son cadeau pendant que Monsieur peut se positionner pour la reproduction...

 

Mais les divergences physiologiques créent des tensions inévitables dans les rapports, l’un privilégiant la quantité et l’autre façonnant la qualité : le mâle (quelle que soit son espèce) cherche par tous les moyens à placer ses nombreuses gamètes minuscules et mobiles (plus petite cellule de l’organisme), tandis que la femelle pond ou garde ses quelques gros ovules (plus grosse cellule de l’organisme) auprès d’elle. Une même espèce est donc souvent irrésistiblement fractionnée en deux tribus que tout sépare, tellement différentes et cependant complémentaires. N’engageant qu’un tout petit bout de sa personne, le mâle peut se montrer peu sélectif. La femelle en revanche n’a pas le droit de se tromper : elle sera obligée d’assumer pendant plusieurs saisons les conséquences de son acte sexuel et elle doit impérativement choisir le meilleur parti pour obtenir le meilleur résultat possible. Les mâles inconstants arborent ainsi toute une panoplie de couleurs (ce qui les rend vulnérables aux prédateurs, mais que le meilleur gagne) ou d’attitudes pour attiser le désir de femelles souvent grises et élitistes qui analysent, comparent, soupèsent le moindre attribut viril. Ils sortent leurs cornes, leurs bois, leurs cris pour les conquérir, elles les poussent jusqu’à leur dernière extrémité et, avec leurs airs de ne pas y toucher, les encouragent à se battre pour décrocher la timbale. Bref, eux tentent des réconciliations sur l’oreiller avec la première venue, elles ne se donnent qu’à l’élu.

Et elles ne se contenteront pas souvent d’un seul mâle : la polyandrie permet en effet de recevoir davantage de cadeaux nutritifs et d’activer la production des œufs tout en exacerbant la compétition sur le marché libre de la procréation.

 

 

La souris Mus domesticus est on ne peut plus volage et met les nerfs de la gent masculine à dure épreuve en changeant d’avis au cours de la gestation. Alors qu’elle cède facilement aux assiduités après une courte cour, elle est également capable d’interrompre sa gestation à la venue d’un nouveau mâle pour se donner à lui.

 

Des êtres unicellulaires compensent de temps à autre leur absence de sexe en se laissant aller à des gestes déplacés : par exemple, les paramécies (qui vivent et prolifèrent dans une goutte d’eau en se reproduisant par de simples divisions) se tombent à l’occasion dessus sans retenue, et dans une conjonction étrange s’échangent et se régénèrent leur maigre patrimoine génétique.

 

 

Liste de pratiques érotiques chez nos amis les bêtes

 

  • Chez les antilopes topi, ce sont les femelles qui chassent agressivement les mâles pour s'accoupler, un rôle de domination sexuelle inversée par rapport à nombre d'espèces de mammifères.
  • On a longtemps cru que les hyènes étaient hermaphrodites. En effet, les femelles ont un clitoris très développé qui ressemble à un pénis et complété par des grandes lèvres gonflées par deux boules graisseuses.
  • Mister P., un superbe paon plein de passion amoureuse, passe 18 heures par jour à se pavaner et à faire la roue dans une station service en Angleterre pour tenter de séduire l'une des pompes à essence (rapporté par la presse britannique.)
  • Les manchots d'Antarctique pratiquent une sorte de prostitution. Les femelles ayant besoin de pierres pour construire leurs nids sollicitent l'aide de plusieurs mâles, qui n'acceptent de coopérer qu'en échange d'un rapport sexuel – Source (en anglais)
    • Le Dr Hunter ne pense pas que les femelles le font seulement pour les pierres. "La femelle ne prend qu’une ou deux pierres, dit-elle, or il lui en faut des centaines pour construire son nid. Je pense qu’elles recherchent la copulation, et prennent les pierres en plus..."
  • Chez les grands singes, dont nous sommes très proches, il existe une forme embryonnaire de prostitution : Les femelles, voyant que les mâles ont de gros besoins sexuels, et que, d'autre part, ils sont d'un piètre secours pour l'éducation des petits (elles les élévent seules et les mâles n'ont pas de rôle paternel), ont élaboré un systéme tout simple pour tirer parti de cette conjoncture : Elles cédent leurs faveurs à ces messieurs en échange de nourriture...
  • Des chercheurs ont découvert des couples de pingouins homosexuels dans 16 aquariums et zoos de Tokyo. Il en ont conclu que les pingouins en captivité "pourraient avoir tendance à former des couples de même sexe" en raison de la difficulté à trouver un partenaire du sexe opposé. Des couples mâles et des couples femelles ont été observés mimant l’acte sexuel. Pour le moment le pingouins se sont refusés à toute déclaration.
  • Une fois que le hamster mâle est sexuellement actif, il peut s'accoupler plus de 70 fois en une heure c'est-à-dire plus d'une fois par minute ! En revanche les femmelles refusent tout contact dès qu'elles sont fécondées.

 

  • Une équipe de scientifiques allemands et néo-zélandais pense avoir trouvé la preuve que les calamars s'accouplent au petit bonheur la chance, sans se préoccuper du sexe de leur partenaire.
  • Chez les hyènes et chez les éléphants ce sont les femelles qui dominent la horde
  • La horde de la hyène est une matriarchie héréditaire dans laquelle la domination se transmet de mère en fille (il y a même des coups d'état pour renverser la chef !)
  • Le chimpanzé a un système d'organisation sociale très proche de l'homme (mâles dominants, affrontements "politiques", viols et même des "guerres"
  • Chez les bonobos, la domination est assurée par les femelles. "Le sexe se substitue à l'agressivité. Tant les mâles que les femelles connaissent l'orgasme. Les pratiques sexuelles de ces singes étonnants comprennent des attouchements à deux ou à plus, entre partenaires de sexe opposé ou non, ainsi que le baiser sur la bouche, la masturbation, la fellation et la copulation dans toutes les positions, y compris celle du missionnaire qui est censée être le propre de l'homme..." '


 

  • Savez-vous que 10% des espèces de poissons sont hermaphrodites ?
  • Les ânesses manifestent leur excitation par une écume volubile aux lèvres !
  • Avant l'accouplement, les porcs-épics mâles urinent sur les pics des femelles afin d'en atténuer leurs effets.
  • Les éléphants mâles s'urinent dessus et se roulent dans un mélange de boue et d'urine pour séduire les femelles.
  • Les guêpes et les frelons font l'amour dard-dard
  • Le dauphin et certains grands singes sociaux sont les seuls animaux qui comme l'homme dissocient le plaisir sexuel et sa fonction reproductrice.
  • Le dauphin copule dans la position du missionnaire


 

  • L'éjaculation se produit dès l'introduction chez le lapin (pauvres lapines) et la plupart des ruminants (pauvres vaches) Par contre l'émission de sperme nécessite plusieurs minutes (jusqu'à 30) chez le porc !
  • Être un mammifère ovipare, qui pond des œufs tout en produisant du lait, avoir un drôle de bec de canard aplati, des pattes palmées et le corps recouvert de fourrure ne suffisait pas à l’ornithorynque pour se faire remarquer. Des chercheurs australiens ont découvert plus étonnant encore : cet animal possède cinq paires de chromosomes sexuels, alors que les mammifères ou les oiseaux n’en possèdent qu’une. Lors de la parade nuptiale, l'ornithorynque mâle nage autour de la femelle, puis l'attrape par la queue. (c'est vraiment le monde à l'envers). L'ornithorynque possède un seul orifice pour la reproduction, la ponte des œufs et la défécation. (le cloaque), l'ornithorynque est donc sodomite. Le sexe de l'ornithorynque possède un sexe bifide (avec deux glands), on peut en déduire qu'il pratique également la double pénétration.


 

  • L'accouplement du chien et de la chienne dure en moyenne entre 15 et 30 minutes (ben, oui !) Pendant cette période les deux bestioles sont physiquement "soudées" l'un à l'autre, car le pénis du chien est bloqué par l'action des muscles du vagin. Il est dangereux de tenter de les séparer (tirage, frayeur, objet contendant, seau d'eau...) Vous risquez de provoquer une fracture du pénis chez le mâle ou/et une déchirure vaginale chez la femelle !
  • La mante religieuse dévore son partenaire alors qu'il parade après l'accouplement (en fait le mâle de la mante religieuse ne peut pas s'accoupler pendant que sa tête est attachée à son corps ? La femelle initie le sexe en arrachant la tête du mâle.)en réalité la mante religieuse ne bouffe pas systématiquement son partenaire, elle a tout simplement faim après l'acte sexuel; mais comme dans les cages d'observation, elle n'avait que son partenaire à portée de patte, c'est lui qui en faisait les frais
    • Obsédés mais pas fous, certains mâles, pour éviter de se faire zigouiller la tête, apportent un en-cas enrobé dans un cocon à la demoiselle, et se barrent avant que la femelle n'ait fini de l'ouvrir.
    • Mais ils leur arrivent de ne pas trouver de gibier, et d'apporter un cocon vide.
    • Du coup les femelles expérimentées ont pris l'habitude de soupeser le cocon avant de l'accepter.
    • Du coup les mâles expérimentés ont pris l'habitude de mettre un petit caillou dans le cocon.


  • Le lion : Certains spécimens s'accouplent jusqu'à 50 fois par jour ! idem pour les tigres qui ne sont pas trop regardant sur leur partenaires


 

  • La punaise : Chez certaines espèces, le mâle transperce la femelle avec son "pénis-dard", les spermatozoïdes étant véhiculés par le sang.
  • La cigale : Le mâle conquiert sa "belle" en l'assourdissant avec son chant (158 décibels).
  • La baleine : La baleine mâle - (ça se dit comment une baleine mâle ?)- éjacule 1800 litres de sperme pendant l'acte sexuel !
  • Position du loir : La position du loir est chère !


 

  • L'éléphant peut s'accoupler avec Dame rhinocéros ! Pratique pour Monsieur, Un peu lourd pour Madame et pas de petits éléphancéros en vue.

 

 

Chez de nombreux poissons, on ne naît pas garçon, on le devient, et c’est avec les vieilles femelles poissons qu’on fait sinon les meilleures soupes du moins les bons étalons.

Pour maintenir la paix du ménage, les petits gastropodes marins Crepidula fornicata du sexe fort virent au sexe faible en se grimpant dessus entre invertis et évitent ainsi les conflits.

Plus rusé, le vulgaire ver de terre Lumbriscus échange du sperme avec un autre mâle et le conserve dans sa spermathèque jusqu’à ce qu’il devienne une femelle autonome capable d’autoféconder ses ovules fabriqués en alternant les phases masculin-féminin.

 

En dehors des gros canards, des oies et de rares spécimens sauvages bien membrés, les petits oiseaux n’ont pas de pénis, alors que leurs proches parents (reptiles et tortues) en ont un, pliable pour faciliter les déplacements à terre.

 

C’est bien connu, tous les coucous sont cocus, puisque leur progéniture squatte le nid des passereaux (leurs oisillons auront au passage fait disparaître les enfants légitimes du couple). Chez beaucoup d’autres espèces de volatile, jusqu’à 76% d’une couvée à un père génétique différent de l’occupant établi.

 

Le poulpe jeune est même capable de se faire passer pour une femelle en se faisant plus petit : pendant que les gros mâles plus âgés se bagarrent pour une femelle, le petit jeune maigrichon se travestit pour duper son monde et en profite pour s’accoupler avec la femelle que les autres mâles convoitaient en se battant violemment. Il n’y a donc pas que la force qui compte, la ruse séduit aussi ces dames.

 

Certaines espèces ont renoncé purement et simplement au sexe. Quelques insectes, lézards et poissons, largement minoritaires au sein même de leurs genres, s’adonnent à la reproduction solitaire, chacun suivant ses goûts. Les pucerons ont adopté un mode de reproduction monoparental, la parthénogénèse, qui permet soit à un mâle soit à une femelle de s’offrir à partir d’une cellule ordinaire une progéniture, sans passer par la case fécondation. Une autre méthode est l’automixie, consistant à s’autofertiliser en se fusionnant tout seul des cellules sexuelles femelles pour donner naissance à une lignée de filles. D’autres reptiles, poissons et plantes, pratiquent l’apomixie et arrivent à pondre un « œuf » à partir d’une division cellulaire normale.

 

 

Sexualité animale

 

Chez les souris, les phéromones émises par les mâles dominants génèrent de nouveaux neurones chez les femelles ! ceux-ci leur permettent de bien choisir leur partenaire.

 

pas simplement de l'acte, je parlais de toute la préparation d'échanges de l'acte et bien entendu chez les animaux, on connaît tous les gestes, toutes les parades de la sexualité qui sont extraordinairement intéressantes du point de vue des comportements. Ce qui fait que la sexualité dans beaucoup d'espèces est vécue avec une série de rapports entre les individus, au sein des groupes, qui sont extraordinairement complexes.

 

De nombreux animaux pourtant font la distinction entre sexe et reproduction, bien que la reproduction implique le sexe.

Les dauphins draguent en bande : dès qu’un groupe aperçoit une femelle, il l’accompagne, la harcèle, la coince dans un coin de mer et la force à s’accoupler, ces « sympathiques » mammifères marins étant les rois de la tournante. Il est également intéressant de noter que pour cette espèce, c’est la mère qui initie son petit à la chose du sexe en lui montrant comment introduire son membre dans son orifice, origine de sa propre vie.

 

Dans les populations naturelles, l’inceste n’est la règle, pour d’évidentes raisons, que chez certains vers parasites dont l’écologie interdit la reproduction exogame. On constate, d’ailleurs, chez certains hermaphrodites qui ont la faculté de s’autoféconder, que la “préférence” va à la fécondation croisée, l’auto-fécondation, dernière chance de la reproduction, n’ayant lieu qu’en situation d’isolement. L’intérêt de l’exogamie sur l’agamie (reproduction asexuée, division), sur l’autogamie et sur l’inceste serait donc un intérêt sélectif. La description des structures sociales de populations naturelles de mammifères fait apparaître l’existence de mécanismes qui ont pour effet de limiter ou de prévenir les contacts sexuels entre individus apparentés. “Chez les animaux supérieurs écrit Bischof qui rassemble un certain nombre d’exemples sous ce chef, les plus importants de ces mécanismes sont : le changement d’objet, la répression de la sexualité et, du point de vue de la femelle, la réaction de rejet, enfin l’émergence de revendications d’autonomie qui entraînent l’expulsion.

 

Pour une population réduite (notamment limitée par les ressources), qui n’augmente pas pendant longtemps, le phénomène de dérive génétique (par lequel des caractères disparaissent au hasard des croisements) se fait d’autant plus ressentir. Ceci entraîne une perte de diversité génétique, qui réduit le potentiel d’adaptatif de la population face aux changements environnementaux.

 

De même, vu que l’éléphant de mer boréal dominant envoie paître tous ses concurrents, les frustrés qui n’ont pas accès aux femelles se jettent sur tout ce qui bouge et violent les juvéniles qui leur tombent sous la nageoire. Les éléphants terriens, plus conciliants, organisent des jeux érotiques à plusieurs femelles (mais, à cause de l’abattage des adultes, on a déjà vu des jeunes mâles mésinformés monter des rhinocéros).

 

Chez la très grande majorité des espèces, le sexe se limite à la période de reproduction : les femelles libèrent des messages chimiques indiquant leur état fécondable, les phéromones, qui attirent les mâles. Quelques copulations plus tard, avec un ou plusieurs partenaires, l’affaire est réglée. Rendez-vous après le sevrage du ou des petits, et ainsi va la vie (la longue période de l’enfance jusqu’au sevrage n’implique aucune relation sexuelle).

 

Pour plus de sécurité face à la concurrence sexuelle, chez les papillons bombyx le dépôt des spermatozoïdes s’accompagne d’une coagulation du liquide séminal, d’où un bouchon se forme à l’entrée de l’orifice de la femelle, lui interdisant toute copulation ultérieure. Jaloux de ses ovules, le mâle lui confectionne ainsi une ceinture de chasteté pour s’assurer l’exclusivité. Il existe également des mouches mâles qui, après avoir copulé, enduisent leurs compagnes sexuelles d’un produit chimique masquant leur bonne odeur naturelle si attrayante pour les concurrents.

 

Pour empêcher au maximum l’accouplement d’autres mâles avec sa partenaire, le mâle de l’épeire fasciée obstrue son orifice génital en y laissant le bout de son appareil copulateur (pédipalpe). Heureusement, le mâle en a deux ! Cela gêne considérablement les accouplements suivants : lorsque l’orifice génital est ainsi bouché, le rapport sexuel ne dure que 8 secondes, contre plus du double d’ordinaire. Une limitation de durée pénalisante pour assurer le succès reproducteur.

L’araignée mâle, jusqu’à mille fois plus petit que sa donzelle, se place dans une situation cornélienne entre mort et amour, sa prudence ne suffisant pas à assurer la reproduction : en effet, il doit s’avancer sur la toile de celle qu’il convoite, sans aucune garantie de succès. Il doit courir le risque de se faire bouffer s’il n’est pas convaincant, avant de savoir dans quel sens il y aura consommation charnelle, à visée reproductive ou éliminatoire.

 

Les canards et les oies sont dotés d’un membre viril impressionnant, pouvant atteindre jusqu’à 40 cm de longueur, mais ils ne perdent pas de temps en langueurs : à la saison des amours, ils se jettent sur les femelles et les prennent de force (l’orang-outan pratique également le viol, mais le canard colvert le pratique de manière collective, coinçant la femelle dans une mare et lui passant à 10-15 sur elle). L’accouplement se termine mal en général, avec des blessures, et parfois la pauvre oie blanche ne s’en relève pas. 40% des oiselles colvert ont subi un viol au cours de leur vie, mais seuls 4% de leurs copulations forcées aboutissent à une fécondation : en effet, le vagin des femelles possède des diverticules latéraux en cul-de-sac ou en spirale, comme le pénis mâle mais en sens inverse, ce qui fait que le sperme se perd.

 

Variation importante de morphologie des phallus chez les mâles anatidés (dont font partie oies et canards), corrélée à la fréquences des viols. Les femelles des espèces violées ont des vagins en tire-bouchon ! Ils sont en effet spiralés, dans le sens inverse de celui des phallus, et comportent en outre de multiples conduits en cul-de-sac. Autant de barrières anatomiques qui limitent la fertilisation si la femelle n’est pas consentante.

Plus le mâle a un long phallus et plus la fréquences des viols est importante, plus l’organe génital femelle sera complexe. Une véritable course évolutive se joue entre els deux sexes.

 

Mais il n’y a pas que la reproduction dans la vie : l’homosexualité est plutôt répandue dans la nature (même chez le roi des animaux), alors que ce comportement ne permet pas la dissémination des gènes par la procréation.

Sexualité animale

Les guerres du sperme sont les plus acharnées dans les groupes sociaux où la paternité se limite au don du sperme.

Avec la période d’œstrus, les mâles sont impatients de pouvoir enfin libérer une énorme quantité d’énergie (et sécrétions) sexuelle, accumulée tout au long de l’année et sur le point d’exploser dans plusieurs partenaires.

Les femelles ne sont soumises qu’à la sélection naturelle pour être pleinement adaptée à leur environnement, alors que les mâles sont en plus soumis à la sélection sexuelle du plus fort/beau.

Le défi et le contre-défi entre mâles sont les moments cruciaux de la parade nuptiale, souvent sous le regard de la partenaire potentielle.

Chez les éléphants de mer, les mâles arrivent un mois avant les femelles, afin de délimiter leur territoire et de préparer des espaces agréables et séduisants pour ces dames. La femelle passe un deal avec un mâle : protège moi et le petit que j’ai conçu l’an dernier et que je vais accoucher maintenant, dans la foulée tu pourras copuler avec moi (nidification différée : l’accouplement et l’ovulation sont retardés pour que le petit naisse juste avant la saison des amours suivante). Il faudra attendre 19 jours après l’accouchement, et les femelles seront réceptives pendant quatre jours. Le mâle bloque la femelle (si elle résiste, il pose son énorme poids sur elle pour l’immobiliser complètement) en lui mordant le cou (mais épaisse couche de graisse). Le mâle doit surveiller son harem, le défendre, autant que le satisfaire, et ne peut donc pas aller à la chasse pendant des semaines, au risque de perdre sa place : c’est la polygamie de défense féminine, système de reproduction extrême chez les mammifères. Cela demande un énorme investissement d’énergie (les mâles vivent bien moins longtemps que les femelles), même si cela garanti reproduction et paternité. Certains mâles se reproduisent plus que d’autres, en raison de leur taille/poids et de leur force. Des mâles périphériques, moins bien dotés par la nature, attendent que le mâle dominant soit occupé avec une femelle ou endormie, pour en profiter et tenter sa chance reproductive, mais cela peut se payer très cher.

 

Des opportunistes malins existent en parallèle des dominants costauds. Ils n’ont pas besoin d’être très forts puisqu’ils n’ont ni territoire ni femelle à sécuriser, ils ne perdent pas de temps et d’énergie à développer leur corps (moins de muscles, plus de sperme).

Chez les babouins, si un mâle domine une bande au sein d’un grand groupe, certains mâles tissent des liens (notamment d’épouillage) durables avec une ou deux femelles. Ces mâles vivent plus longtemps car ils ne sont jamais mêlés à des combats violents : stratégie de soumission qui permet, en douce, de se reproduire tranquillement tout au long d’une vie plus longue que d’autres.

Le mâle dominant protège les femelles et les petits en échange d’un droit de cuissage exclusif. Mais si les femelles décident de changer de protecteur, c’est fini pour lui. En période d’œstrus, les femelles sont les seules cheffes sexuelles du groupe, acceptant ou non les avances sexuelles du mâle « dominant ». Malgré la taille et la force des mâles, les femelles peuvent se regrouper pour chasser un mâle dominant de son propre territoire, même après qu’il ait gagné face à ses rivaux masculins. C’est donc les femelles qui décident de la réussite sexuelle reproductive du mâle dominant.

Contrairement à de très nombreux mâles, quasiment toutes les femelles s’accoupleront et transmettront leurs gènes. Le mâle dominant existe parce que les femelles en ont besoin : les femelles sont sans gêne, concupiscentes et dévergondées ; les mâles, lascifs, sont en concurrence avec de nombreux congénères ayant la même idée omniprésente, le sexe et la reproduction de soi, la plus puissante force de l’évolution.

 

Mâle dominant : fantasme suprême d’avoir des rapports sexuels à volonté, n’importe quand, avec n’importe qui, n’importe comment (voire avec n’importe quoi, comme copulation dans un trou d’arbre).

Le sexe a un prix : mâle macho doit régner en puissant symbole de la masculinité, épuisants marathons sexuels, affrontement des rivaux pour les femelles, la protection du territoire et l’accès à la nourriture, tout en gardant assez d’énergie pour produire des millions de spermatozoïdes vigoureux au cours d’une vie souvent brutale et éphémère.

Le sexe impose une discipline sévère, pas faite pour les faibles ou les timorés.

Si les rapports entre les deux sexes sont compliqués, le rapport biologique entre une grande production de petites cellules (spermatozoïdes) et une petite production de grandes cellules (ovules) est parfait et stable.

Mais le problème commence quand il faut les accoupler, ce qui ouvre la guerre des sexes : chacun des partenaires poursuit un but égoïste car la sélection naturelle ne récompense que le vainqueur.

Interaction entre les individus sexués commence par la parade nuptiale, puis l’accouplement, et enfin la conception : à chacun de ces niveaux de comportement, des conflits spectaculaires éclatent car les stratégies sexuelles divergent selon les sexes. Les femelles ont souvent l’occasion de récupérer du sperme chez plus d’un mâle : elles effectuent un contrôle qualité chez plusieurs géniteurs, tout en choisissant le moment opportun. Mais les mâles aiment être les premiers, d’où le mâle dominant qui fait tout pour obtenir ce qui lui revient de droit, essentiellement en évinçant les concurrents, par définition de rang inférieur. Ainsi, le mâle subit une énorme pression pour gagner le prix suprême, la survie de ses gènes. Son agressivité est tolérée par des femelles opprimées et subit par les autres mâles, intimidés et soumis.

La domination s’exprime surtout dans des groupes sociaux où les femelles peuvent régulièrement s’accoupler, avec plus d’un partenaire.

Les mœurs légères des deux sexes ont provoqué une compétition du sperme particulièrement féroce : notre cousin le chimpanzé, créature la plus sexuellement agressive et vorace du monde animal (un mâle adulte a la force de trois hommes adultes), aimant vivre en société (même si des alliances de mâles peuvent se créer pour tuer un concurrent du chef).

Grande communauté (centaine de membres) scindée en petits groupes avec pour chacun un mâle dominant. Le grand chef de toute la communauté est le mâle alpha, d’environ vingt-cinq ans, vivant en solitaire et faisant régner l’intimidation, réagissant de manière violente au moindre signe de contestation de son pouvoir suprême. Souvent il place ses frères comme petits chefs de chaque groupe composant la communauté.

Les femelles chimpanzés sont des femmes battues : le plaisir sexuel des mâles ressemble essentiellement à de l’oppression, « je te veux ici et maintenant, et tu n’as pas le choix ! ». Pour autant, le mâle dominant peut être agressif (en prenant sa victime par la main, en secouant une branche de manière excitée pour montrer la vigueur de son envie sexuelle) comme séducteur en caressant le visage de sa belle. Pour signifier son désir, il hérisse ses poils et arbore une impressionnante érection, signaux visuels pour exprimer l’excitation car singe à très bonne vue (forêt, donc nécessité de bien voir les couleurs pour chasser et communiquer).

Gonflement rouge de la vulve, indiquant au mâle aux hormones déchaînées que la femelle est réceptive.

Le rôle de mâle et femelle s’inculque aux jeunes directement sur le terrain, en regardant de près les adultes copuler, notamment l’art d’éjaculer après une dizaine de rapide impulsions.

Pas d’inceste entre frères-sœurs (les filles refusent), mais si l’éducation n’a pas été bien faite ou que le mâle dominant s’en fiche car il est trop excité, il peut forcer sa sœur à copuler en l’immobilisant.

Chimpanzés sont sexuellement agressifs au sein de la famille.

Une femelle est fécondée par plusieurs mâles, le dominant en premier et d’autres, choisis et non subits, discrètement.

Certains spermatozoïdes de l’alpha mènent la guerre du sperme en empêchant les spermatozoïdes d’autres mâles de féconder l’ovule. Le pénis sert alors à envoyer les spermatozoïdes le plus loin possible dans le vagin, et la forme du gland est utile pour mettre de côté une partie du sperme d’un amant précédent.

 

Le gorille dominant, le dos argenté, n’a qu’un pénis de cinq centimètres et de petits testicules : gros muscles, petite bite ! Le dos argenté est le chef de son harem exclusif, il faudra être fou pour le prendre une de ses femelles. Même si le coût énergétique de fabrication du sperme par rapport à l’ovule est très faible (mais non négligeable puisqu’il faut quand même assurer la production à la demande), autant économiser sa production et limiter la taille d’un organe sexuel dont on est le seul à avoir le droit de se servir pour la reproduction du groupe, ce sera toujours ça de pris pour développer de gros muscles.

Système social aux rituels importants, une sorte de mafia de la faune, consolide la dominance du dos argenté sur le groupe en maintenant son contrôle sur ses membres. Des mâles adultes, apparentés, font partie du groupe sans pouvoir copuler. Comme ils ont de forts instincts sexuels, ils quittent des fois le groupe (ou vivent à sa périphérie) pour tourner autour d’autres communautés et y tenter leur chance de reproduction.

 

Lion : plus de cent cinquante rapports en deux jours de fécondité des lionnes. Ce sont elles qui pousse à la roue car pour tomber enceintes, elles ont besoin de beaucoup de rapports et de stimulations vigoureuses (pour chaque petit lion d’un an, les géniteurs auront dû copuler trois mille fois). Copulation tous les quarts d’heures, jour et nuit, mais l’extrémité du pénis est garni de protubérances épineuses ce qui fait très mal à la lionne quand le lion se retire de son vagin. Les lionnes ne délivrent leurs ovules qu’après l’accouplement, d’où les douleurs vaginales à cause du pénis épineux du mâle stimulent l’ovulation. Plus le mâle stimule bien, plus la femelle sera fidèle et aura de petits.

 

 

 

Les insectes ont les pénis les plus impressionnants, par la taille ou la complexité. Devant les mœurs légères des femelles, les mâles développent des trésors d’ingéniosité pour s’assurer de la survie de leurs gènes. En-dehors de la possibilité de monopoliser l’accès à leur partenaire, les mâles disposent de peu de moyen pour éliminer la concurrence. Pour être sûrs de leur paternité, les mâles sont prêts à tout pour perturber ou contrôler le choix des femelles.

Chez la libellule, le mâle a des poils et crochets au bout de son pénis pour enlever le sperme d’un prédécesseur et s’assurer un peu plus d’être le père des petits à venir. Le couple prend la forme d’un cœur copulatoire.

Punaises de lit : organes femelles fonctionnent très bien, mais les mâles utilisent leur pénis comme une épée, perçant le ventre de sa partenaire pour lui éjaculer dans le sang (insémination traumatique, mais comme ça le mâle est sûr de féconder la femelle). La femelle stocke le sperme dans une glande abdominale spéciale, puis elle le fécondera quand elle sera prête, après son prochain repas de sang. L’insémination traumatique évite la compétition du sperme puisque les spermatozoïdes passent directement dans le sang et ne pourront donc pas être évincés par d’autres mâles. Plus fort, un mâle peut inséminer ainsi un autre mâle, et lorsque celui-ci percera une femelle, il éjaculera dans le sang de celle-ci le sperme de son agresseur premier.


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Tout a commencé avec l’invention de la sexualité, il y a un milliard d’années. Désormais, on va pouvoir se reproduire sans avoir besoin de se diviser. La sexualité, c’est le fait, pour une espèce d’avoir des mâles et des femelles qui marient leurs gamètes pour former des œufs.

Il y a encore 300 millions d’années, le chromosome Y masculin n’existait pas, seul un gène activait les chromosomes XX pour faire des mâles.

 

l’“invention” de la sexualité substitue à la reproduction par division une reproduction qui n’est plus la reproduction du même, mais qui consiste dans la création d’individus nouveaux à la faveur du processus de ségrégation (séparation des paires de chromosomes) et du processus de recombinaison génétique. Méiose et fécondation aboutissent à la formation d’un génotype original résultant de la fusion des chromosomes issus du parent mâle et des chromosomes issus du parent femelle. Alors que certaines bactéries existent à l’identique depuis l’origine de la vie, la sexualité, avec la mort des individus, apparaît, du point de vue de l’évolution, comme un dispositif qui accélère et amplifie l’invention des formes vitales - le rythme de l’évolution (intensification du polymorphisme génétique ; augmentation des probabilités de mutation). Dans cette perspective, une espèce au sein de laquelle l’union des germains serait la règle “conserverait tous les désavantages de la reproduction bi-parentale sans bénéficier d’un seul de ses avantages. Son niveau de variabilité se réduirait à celui de l’auto-fécondation et sa vitesse d’évolution en serait par conséquent tellement freinée qu’elle ne résisterait à la compétition que dans des conditions de vie extrêmement favorables ; en règle générale, l’absence de plasticité adaptative condamne une espèce à la mort” (Bischof, in Fox, 1978 : 83). Pour le dire d’un proverbe bien connu : “L’évolution ne met pas tous ses œufs dans le même panier”...

Un intérêt objectif de cette loterie, c’est qu’on ne peut savoir quel numéro va sortir. La reproduction n'est pas une science exacte.

 

Cela fait bien rigoler, mais c'est une réalité: biologiquement, la sexualité n'est pas rentable. C'est donc un des plus grands mystères: pourquoi, dans notre lointain passé, des créatures à une seule cellule qui se reproduisaient très efficacement en se divisant en deux sont-elles passées à un mode de reproduction beaucoup moins efficace, qu'on appelle la sexualité? Dernière explication en lice: c'est la faute à un parasite.

Et le parasite est connu: c'est cette partie de notre cellule appelée la mitochondrie. Il y a longtemps que des biologistes prétendent que la mitochondrie fut sans doute, il y a au moins un milliard d'années, une bactérie venue envahir nos lointains ancêtres: c'est ce qui expliquerait que la mitochondrie possède des résidus d'un bagage génétique distinct.

Mais qu'est-ce que cette invasion a à voir avec l'origine du sexe? Pour Chris Bazinet, de l'Université Saint-John's à New York, la mitochondrie aurait eu l'habileté de sauter d'une cellule à l'autre, transportant avec elle des poignées de gènes de son premier hôte. Résultat, pour la première fois dans l'histoire de notre planète, on aurait vu des êtres vivants se reproduire avec, en eux, du matériel génétique "emprunté" à un autre être vivant. Le premier pas, en somme, vers ce qu'on appelle aujourd'hui un mâle et une femelle...

Le biologiste reconnaît, dans la revue Bioessays, que sa théorie n'est rien de plus que cela: une théorie. Il n'a à sa disposition, pour toute observation, que le fait que la mitochondrie d'aujourd'hui, chez la mouche drosophile, présente un comportement étrange, uniquement lors de la production des cellules d'ovules et de spermatozoïdes. Un comportement assimilable à une bactérie infectieuse, qui pourrait être le vestige de son comportement de "sauteur" d'il y a un milliard d'années.

 

Les bactéries se reproduisent très vite, en 20 mn environ.

 

 

Mitochondrie et partie d’ADN que transmise par la mère, XX, la base donc. De fait, l’homme est bien une femme que les autres !

L’hippocampe mâle élève ses petits dans sa poche ventrale.

 

Introduction : Qu'est ce que le sexe?

 

Les belles etamines

et le style

du Lys Martagon...

 

Si l'on devait s'en tenir à une définition assez large, quel est le point commun aux différentes manières dont s'exprime le sexe chez les êtres vivants? Vous avez probablement une petite idée en tête : des organes sexuels bien sûr! Fort juste, mais cela ne sera pas suffisant : non seulement leur disparité est incroyable (vous pensiez aux étamines chez les plantes ou aux cystes chez les algues je présume?), mais certains sont à peine différenciés,ou alors il faut imaginer les protiste unicellulaires, certains étant pourtant sexués, comme des organes sexuels??? Non. Insuffisant, donc.

Si ce ne sont les organes, peut être sont-ce les gamètes me diriez vous? Oui et non, si l'on prend comme exemple la levure, cette espèce est sexuée sans pour autant produire de gamètes... Alors ce n'est toujours pas ça, mais nous nous en approchons.

Ce fameux point commun, c'est un phénomène biologique extraordinaire : la méiose! Ce processus permet de produire des cellules haploïdes (un seul lot de chromosomes) à partir de cellules diploïdes (deux lots de chromosomes), et la diploïdie sera restaurée lorsque deux cellules haploïdes spécialisées (les gamètes) et leur noyaux fusionneront. Bien naturellement, il existe une énorme variation chez les espèces entre la méiose proprement dite et la fusion de deux gamètes, mais c'est justement ce qui rend cet exercice préliminaire de définition du sexe intéressant...

 

Nous nous baserons donc sur cette définition relativement large : le sexe (la reproduction sexuée), c'est l'alternance d'un cycle constitué de la méiose et de la fusion de gamètes haploïdes. Il en existe d'autres, plus restreintes (probablement celle que vous aviez en tête en arrivant sur ce site) ou plus larges (définissant le sexe comme un échange d'information génétique, ce qui y inclut la recombinaison chez les bactéries).

 

 

 

A l’origine du monde, il n’y avait pas de sexe, puis les organismes trouvèrent un truc extra pour se propager en se mélangeant hystériquement les gènes à la saison des amours par le chemin le plus court, à savoir une courte ligne droite pour lui, un petit trou pour elle. En effet, sous les bombardements X et ultraviolets que subissait la Terre à cette époque reculée, seul un brassage génétique régulier permettait de limiter les dégâts : même si les partenaires apportent une partition bourrée de fautes, l’échange de gamètes donne un résultat correct à la sortie (pas parfait, sinon il n’y aurait pas évolution par sélection des erreurs génétiques avantageuses). Privés de contacts sexuels, les bons vivants primitifs n’auraient sans doute pas résisté longtemps aux mutations violentes.

 

La reproduction sexuée mélange le génome de deux individus. Elle offre ainsi une meilleure possibilité d’adaptation aux changements environnementaux que la reproduction asexuée. Pourtant, chez des espèces de micro-organismes, les copies d’un même gène, au lieu d’être identiques comme par clonage (puisque issues d’un même parent et non de deux comme dans la reproduction sexuée), sont différentes. Les deux versions de ce gène, nommé léa, produisent ainsi deux protéines aux fonctions distinctes mais complémentaires (anticoagulant pour protéines et maintien des membranes cellulaires) qui aident l’organisme à survivre.

 

Lorsque, à la faveur de mutations génétiques, une espèce donne naissance à une nouvelle espèce, les mâles issus d’accouplements entre ces deux espèces sont souvent stériles : c’est l’ « effet X » ! En effet, cela est d’autant plus fréquent si les mutations se trouvent sur le chromosome X : celui-ci ne se comporte pas normalement, ce qui a pour effet de perturber la spermatogenèse (fabrication des spermatozoïdes) des mâles hybrides. En diminuant l’interfécondité, le chromosome X favorise ainsi l’apparition de nouvelles espèces.

 

Le sexe et la recombinaison génétique présentent des avantages pour les membres d'une population, car ils augmentent les possibilités qu'un individu hérite de mutations génétiques bénéfiques.

l’“invention” de la sexualité substitue à la reproduction par division une reproduction qui n’est plus la reproduction du même, mais qui consiste dans la création d’individus nouveaux à la faveur du processus de ségrégation (séparation des paires de chromosomes) et du processus de recombinaison génétique. Méiose et fécondation aboutissent à la formation d’un génotype original résultant de la fusion des chromosomes issus du parent mâle et des chromosomes issus du parent femelle. Alors que certaines bactéries existent à l’identique depuis l’origine de la vie, la sexualité, avec la mort des individus, apparaît, du point de vue de l’évolution, comme un dispositif qui accélère et amplifie l’invention des formes vitales - le rythme de l’évolution (intensification du polymorphisme génétique ; augmentation des probabilités de mutation). Dans cette perspective, une espèce au sein de laquelle l’union des germains serait la règle “conserverait tous les désavantages de la reproduction bi-parentale sans bénéficier d’un seul de ses avantages. Son niveau de variabilité se réduirait à celui de l’auto-fécondation et sa vitesse d’évolution en serait par conséquent tellement freinée qu’elle ne résisterait à la compétition que dans des conditions de vie extrêmement favorables ; en règle générale, l’absence de plasticité adaptative condamne une espèce à la mort” (Bischof, in Fox, 1978 : 83). Pour le dire d’un proverbe bien connu : “L’évolution ne met pas tous ses œufs dans le même panier”

 

Le mariage n’est donc pas seulement une coopérative, comme il était noté tout à l’heure, c’est aussi une entreprise en génétique. “Tu viens chéri(e), on s'mélange !...”

Un intérêt objectif de cette loterie, c’est qu’on ne peut savoir quel numéro va sortir. La reproduction n'est pas une science exacte. À l'opposé de cette naïve croyance d'un prix Nobel persuadé que sa semence, comme telle, faisait des Nobel et qui l’a confiée dans cet esprit à une mère porteuse, c’est la réponse de Bernard Shaw à un prix de beauté lui proposant de mettre leurs ressources en commun qui est dans le vrai : “Je craindrais, Madame, que cet enfant n’ait ma beauté et votre intelligence...” C’est cela le polymorphisme génétique.

Sexe, mort et vie : la drôle de danse d’«Emiliana»

Pour survivre face au virus, ce micro-organisme aurait inventé le sexe. Une révolution dans l’évolution.

Emiliana huxleyi. Dans les océans, la bestiole se multiplie de deux manières. Soit en se divisant sous sa forme à écailles, soit en se transformant en gamètes qui vont à leur tour se multiplier puis se lier avec un autre (mais pas issu du même individu parce que, chez ces gens-là, on observe aussi le tabou de l’inceste…).

Emiliana se transformait en gamètes sous la pression du virus… afin d’y échapper. ils se jouent du virus», explique le jeune thésard. Comment ? Tout simplement en se rendant «invisibles» au virus, comme le chat du Cheshire. le virus n’arrive même pas à s’accrocher à la paroi du gamète et encore moins à la pénétrer. Ce n’est pas qu’il serait inactif à l’intérieur, il ne parvient même pas à y arriver.» La stratégie de survie d’Emiliana ressemble à une danse de la mort et du sexe. Soumis à un virus mortel, sous la menace d’une disparition complète, il passe à sa phase gamète. Patiente le temps que la pression virale diminue. Puis les gamètes s’acoquinent pour reformer l’individu diploïde.

 

Dans la mesure où les systèmes sexuels des végétaux sont variés, les espèces peuvent être dotées de diverses combinaisons. Le melon représente à cet égard un cas particulièrement intéressant puisque son système de reproduction est andromonoïque, ce qui signifie que cette plante porte sur le même plant des fleurs mâles et des fleurs hermaphrodites, mais pas de fleurs femelles. La crevette des salines, fascinante créature à trois sexes. En étudiant le petit crustacé Eulimnadia, qui possède deux types de femelles hermaphrodites.

 

Il faut savoir qu’un embryon est sexuellement bipotentiel, en effet ce n’est qu’à partir de la 6ème semaine de gestation que la gonade primitive se détermine en ovaire ou en testicule.

Jusqu'à la 7e semaine les voies génitales sont représentées par deux systèmes de canaux pairs ayant le même aspect quelque soit le sexe.

Dans le sexe masculin, les conduits génitaux internes dérivent donc des canaux de Wolff (conduit mésonéphrotique, primitivement le canal rénal du pronéphros des embryons de Vertébrés) qui se différencient en épididymes, canaux déférents, vésicules séminales et canaux éjaculateurs. Les canaux de Müller (conduit paramésonéphrotique) régressent en laissant subsister des vestiges embryonnaires, les hydatides sessiles et l'utricule prostatique.

Dans le sexe féminin, ce sont les canaux de Müller qui persistent et qui vont former les trompes avec leurs pavillons, et par la fusion de leur partie distale, l'utérus et la partie supérieure du vagin. Les canaux de Wolff régressent et laissent persister des vestiges embryonnaires les canaux de Gartner, l'époophore et le paroophoore.

La détermination du sexe est aujourd'hui largement reconnue comme la traduction du sexe chromosomique établi lors de la fécondation (XY versus XX) en sexe gonadique (testicule versus ovaire). Ce dernier sera ensuite traduit en sexe somatique (homme ou femme), ceci sous le contrôle des sécrétions hormonales gonadiques.

 

Le chromosome X contient pas moins de 5% du génome humain (de 900 à 1200 gènes), contre 0,4% pour le Y (moins de 80 gènes).

En dépit du risque lié à la maternité, le « sexe faible » est donc biologiquement le plus fort (le second X étant capable de rénover les gènes détériorés par l’âge, en plus des hormones, dont l’œstrogène, qui garde leur corps en meilleure santé). Vivre plus longtemps et en meilleure santé permettant bien évidemment aux femmes de faire et d’élever le plus d’enfants possibles.

 

La sélection naturelle promut ainsi le sexe comme mode de reproduction quasi universel, récompensant les inventeurs de la fécondation et de la méiose, une division cellulaire qui autorise la mère à ne transmettre à ses petits que la moitié de ses chromosomes, chargeant le père d’apporter le reste. Dans la nature, 90% des espèces animales sont sexuées, et 90% d’entre eux privilégient la sexualité comme mode de reproduction.

 

 

Si la nature est bien faite, c’est grâce au hasard, jouant un rôle dans toutes les étapes du vivant. Si le hasard n’avait pas existé, la vie telle que nous la connaissons n’existerait pas car il n’y a pas d’autres processus naturels, spontanés, que l’intervention du hasard pour permettre la diversification.

Sur des millions de spermatozoïdes, un seul arrive jusqu’à l’ovule et le féconde. Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Parce que la reproduction sexuée est avant tout une affaire de probabilité.

Au départ, la majorité de nos cellules hébergent dans leur noyau 46 chromosomes. Lesquels, porteurs de nos gènes, sont organisés en 23 paires d’ « homologues », 23 venant de la mère, 23 du père ! Un type de cellules fait toutefois exception : les cellules sexuelles (ou gamètes), organisées en ovules et spermatozoïdes qui eux n’ont que 23 chromosomes. Au contraire de toutes les autres cellules de notre corps, qui se répliquent « à l’identique », nos cellules sexuelles, lors de leur genèse, ne reçoivent qu’une copie du patrimoine génétique (copie chaque fois unique car subtilement différente des autres gamètes). Grâce à un processus appelé « méiose », qui voit une cellule « mère » donner quatre cellules sexuelles « filles », à l’issus de deux divisions cellulaires successives. La méiose permet ainsi à l’œuf, résultant de la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde, de retrouver le génome complet d’une cellule « normale » à 46 chromosomes.

C’est une formidable machine aléatoire ! Et plutôt deux fois qu’une puisque le hasard y joue un rôle majeur à deux reprises. En prélude à la première division cellulaire tout d’abord : les 23 paires de chromosomes homologues issues de la mère et du père se rapprochent et échangent des fragments de leur génome respectif, de manière aléatoire Ce phénomène, dit de « crossing-over », fait qu’un chromosome d’origine maternelle peut se retrouver avec des éléments paternels et vice versa, sans règle, d’où un premier brouillage de cartes. Puis, lors de des deux divisions cellulaires, les chromosomes se répartissent de façon aléatoire dans le noyau des cellules sexuelles. C’est le second brouillage. La probabilité que deux gamètes reçoivent le même assortiment chromosomique est inférieure à 1 sur 8 millions. Ce grand moment de biologie reproductrice culmine avec cet ultime brouillage qu’est la fécondation, quand ovule e spermatozoïde se rencontrent pour former un œuf parfaitement singulier. La probabilité que deux individus nés des mêmes parents soient strictement identiques au niveau génétique n’atteint pas 1 sur 70 000 milliards !

Le hasard, parce qu’il est un moteur de diversité, est une assurance vie. Son rôle est si important qu’au fil de la très longue histoire des espèces, ce sont les systèmes biologiques les plus aptes à « fabriquer » du hasard qui ont perduré. Les systèmes biologiques qui ont généré de la variabilité ont été conservés et perfectionnés. En effet, l’homogénéité dans le vivant peut représenter un énorme danger d’extinction, car ce qui tue un individu  peut tuer toute la population.

Chez les bactéries, qui évoluent plus vite que les organismes complexes, les mutations les plus fréquentes (1 sur 1 000 divisions) sont « neutres » (sans effet notoire), viennent ensuite les néfastes (1 sur 10 000), puis les mortelles (1 sur 100 000), et enfin les bénéfiques (1 sur 10 000 000). Le hasard fabrique du changement, les sélections naturelle et sexuelle les trient. Pourtant, même si l’assortiment des gènes et l’environnement restent constants, l’expression des gènes reste variable.

La construction de notre corps, issu, au départ, de deux cellules sexuelles confectionnées au hasard et se rencontrant par chance, dépend notamment de la façon dont nos gènes sont exprimés au stade embryonnaire.


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• Animateur : Je me tourne à présent vers notre historienne de service. « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » disait Tartuffe de Molière : la société, comme les faux dévots, n'aime guère regarder ce qui dérange, pas plus les formes attirantes que les charmes tarifés ! On les appelle filles de joie, filles à soldats, filles publiques, filles soumises, pierreuses (exerçant près des vieilles pierres, en ruines), lorettes (femmes légères qui habitaient les rues avoisinant l'église Notre-Dame-de-Lorette, dans le 9è arrondissement de Paris, ce quartier à peine achevé en 1820 était peuplé de demi-mondaines pour simuler la population qui manquait, à charge pour elles d'essuyer les plâtres encore frais grâce aux flammes de leurs amants), marmites, hétaïres, radeuses/radasses (un rade étant un comptoir), écrémeuses, gagneuses, catins, péripatéticiennes, horizontales, grues (qui faisaient justement le pied de grue en attendant le client), boucanières (femmes d'une vie aussi désordonnée que pouvait l'être celle des boucaniers, ouvriers travaillant dans une usine où l'on fume le poisson, en particulier le hareng), paillasses (du nom de la grande enveloppe de toile, ordinairement remplie de paille, dont on garnissait un lit), morues, gotons (diminutif populaire de Margoton ou Marguerite, signifiant le plus souvent une fille de ferme ou de cuisine mal tenue), pouffiasses, amazones, professionnelles, tapins (qui bat/tape le tambour, par extension qui racole), fleurs de macadam, belles de nuit, asphalteuses, marchandes d'amour, gourgandine (du radical de gourer - « (se) tromper » - et de l'ancien provençal gandir, « s'esquiver »), turfeuses (de l'anglais « turf » : motte de gazon, plus ou moins maudit), ménesses (argot de femme, décliné de men, comme pour un gonze et une gonzesse) ou gagneuses... ces filles légèrement vêtues qui racolent les passants à l'angle des rues. Pouvez-nous nous dresser un tableau chronologique du plus vieux métier du monde, tant au niveau des pratiques que du comportement social vis-à-vis de ce métier peu ordinaire ?

• Historienne : La prostitution n'est pas « le plus vieux métier du monde » ! Elle n'a pas été présente, loin s'en faut, dans toutes les sociétés humaines (tout comme elle n'est pas intemporelle, car elle a même disparu lors de moments historiques révolutionnaires ou dans certains modes de vie communautaires qui ne réprimaient pas la sexualité). Dans les sociétés protohistoriques comme dans les sociétés primitives et les sociétés traditionnelles, la prostitution n'existait pas. En effet, la liberté des échanges sexuels, encore pratiquée dans certains groupes ethniques, montre que l'idée même de prostitution est restée étrangère à de nombreuses populations. Jusque dans son plaisir solitaire, le plaisir de l'individu des sociétés anciennes ne pouvait jamais être le plaisir d'un individu unique, puisque l'individu n'existait que dans son rapport à la communauté humaine. Cependant, avec la naissance des premières formes organisées de spiritualité, il pouvait déjà exister des femmes « maraboutes » vivant dans des demeures qui regroupaient des filles spirituelles et se livrant à l'exercice de la prostitution sacrée (parfois même toutes les femmes d'une tribu étaient concernées par cette pratique qui apparaît alors comme une survivance de rites d'initiation sexuelle). Dès la période historique, la prostitution exista, sous forme de prostitution sacrée puis de service sexuel vénal (certains pensent d'ailleurs que c'est la naissance du mariage institutionnalisé par l'état et la religion, à la place des alliances matrimoniales claniques, qui a incité le phénomène de prostitution, l'amour collectivisé ou tarifé permettant d'échapper au couple à visée essentiellement patrimoniale/propriétaire). Avec la formation des Etats-empires mésopotamiens, c'est-à-dire avec la mise en mouvement de la valeur comme puissance autonomisée par la domination d'une classe des maîtres sur une classe populaire, le plaisir était lié à la puissance de l'Etat et aux manifestations de cette puissance dans les cérémonies publiques et les réjouissances collectives à la gloire de l'aristocratie. La prostitution sacrée était, à l'origine, liée aux cultes de la fécondité, le point de départ étant à la fois religieux et familial : les cultes de la déesse-amante, présents dans toutes les sociétés anciennes, avaient pour rite essentiel l'union sexuelle des hommes avec des prostituées sacrées. Au départ, seuls les prêtresses et les prêtres de la divinité devaient s'accoupler, afin de provoquer la fertilité des terres et l'abondance du gibier, mais rapidement des groupes de femmes et d'hommes liés aux sanctuaires apparurent et s'unissaient aux prêtresses et aux prêtres, puis aux fidèles, afin de ressourcer la force génitale des fidèles masculins et pour que cette force étende ses effets positifs à la fertilité des troupeaux et des sols. Les premières femmes à avoir été consacrées à la prostitution sacrée pour honorer la déesse de la fertilité, Inanna à Sumer, devenue Ishtar pour les Babyloniens, étaient les femmes stériles ; ne pouvant assurer la procréation au sein d'une famille avec un seul homme, elles trouvaient une place dans la société en servant la déesse, devenant les épouses de tous. De même, les prostitués masculins apparaissent avoir été à l'origine ceux qui, par malformation naturelle ou par accident, ne pouvaient pas davantage assurer la continuité de l'espèce ; eux aussi trouvaient ainsi, au service de la déesse, une place dans la société (ayant également un rôle dans les liturgies publiques et privées d'Inanna et Doumouzi - son compagnon berger, image du roi avec son troupeau de fidèles -, mais cette prostitution semble avoir eu un caractère plus marginal et plus sordide). En Mésopotamie, les prostituées étaient nombreuses et leurs appellations diverses indiquaient leur allégeance à un dieu ou leur spécialité. Elles étaient attachées à l'un ou l'autre temple et y exerçaient leur art au bénéfice de la divinité qui les rétribuait. Il existait ainsi une homologie entre l'actrice rituelle et la prostituée qui, en l'occurrence, concilie l'impureté méprisée de son métier et les hautes compétences symboliques qui vont avec, la pauvreté de ces compétences culturelles et les pouvoirs qu'elle est capable de conquérir. C'est en tant que telles que les prostituées sacrées se trouvaient en affinité avec les vierges et les dieux, personnages transitifs, entre deux états, entre deux mondes, et susceptibles à ce titre d'assurer des médiations spécifiques. En effet, la vierge a une position neutre, hors du commerce sexuel donc asexuée en quelque façon, qui en fait une médiatrice religieuse centrale dans un monde social où la séparation des rôles masculins et féminins était très rigide. En jouant la vierge, la prostituée sacrée faisait sans doute écho à cette homologie et, en même temps, comme elle donnait corps à un être double (la putain vierge) elle en dévoilait le principe, le ferment : la vierge comme la prostituée nie les valeurs du groupe tout en les fondant (la fécondité pour l'une, la pureté pour l'autre). La prostituée sacrée était ainsi une médiatrice capable de veiller sur des passages, de capter et détourner vers le groupe social des influences cosmiques. Le noyau de l'action rituelle consistait alors à traverser les frontières et singulièrement la moins perceptible et la plus décisive, celle qui sépare les mondes visible et invisible : le fait de se dénuder, emblématique s'il en est du métier de prostituée, prenait le sens d'un dédoublement, d'un passage dans l'au-delà et d'une substitution avec l'entité invoquée. Sortir de son corps, à l'instant du rite et aussi en rêve, permettait à l'officiante d'assurer le lien entre des espaces et des êtres distincts et séparés. « Curatives », ces « femmes sans hommes » avaient un statut ambigu dans la mesure où elles oscillaient entre les catégories du féminin et du masculin, de l'humain et du divin, de l'impur et du pur : elles visaient à obtenir un bénéfice immédiat au moyen de rituels, lesquels, par les chants, la musique et la danse, permettaient de communiquer avec les dieux. Ces bayadères (femmes dont la profession était de danser devant les temples en Inde) étaient ainsi consacrées autant au culte des dieux qu'à la volupté des croyants, l'un nourrissant l'autre. Le Code d'Hammourabi, notamment la loi 181, citait une hiérarchie des prostituées sacrées sans faire ouvertement référence à une rémunération par les fidèles. Mais, très vite, on voit que les offrandes aux dieux furent remplacées par le paiement de ces personnes, et, en beaucoup de lieux, la prostitution du personnel religieux servit à alimenter le trésor du sanctuaire. Concrètement, des fonctionnaires de certains temples géraient des maisons de prostitution, et la déesse Inanna possédait ainsi des cabarets, des débits de boisson et des lupanars : « Sise à la porte du cabaret, je suis la prostituée experte du pénis ! ». Se détachant peu à peu de sa fonction religieuse (la « prostituée sacrée » comme vestale - prêtresse dédiée à Vesta, déesse du foyer à Rome, continuatrice d'une très ancienne tradition, le maintien du feu commun perpétuellement allumé, sauf qu'elle devait rester vierge, car en cas de relations sexuelles sacrilèges, un crime qualifié d'incestus, la vestale était enterrée vivante ou brûlée vive - et comme exorciste de la menace que les femmes faisaient peser sur la communauté abstraite de la religion), elle apparaît comme « marché » dans les sociétés où l'État, aux mains d'une classe sociale dominante (une aristocratie, une oligarchie, une théocratie), exerce sa puissance et sa tutelle sur le reste de la société. Il faut que le rapport marchand urbain se soit autonomisé comme espace d'échange de valeur pour que « le commerce » sexuel s'y rattache. Les empires-États mésopotamiens, non seulement permirent, mais établirent la prostitution comme catalyseur d'urbanisation et opérateur de la circulation de la valeur (à la place du système économique clanique basé sur le don et le contre-don, on instaura par ce biais la notion d'échange marchand propice aux sociétés étatiques). La prostitution devint une affaire d'argent et l'on quitta le domaine du « sacré ». Ces comportements se monnayaient : les sanctuaires s'enrichissaient des sommes payées par les fidèles désirant accomplir le rite, de même que les chefs de famille rentabilisaient le prêt des femmes qui étaient leur propriété. Les responsables des États, à Babylone comme dans tout le Moyen-Orient, ne laissèrent pas échapper cette source de revenus, et se mirent à créer leurs propres maisons de prostitution. Les prostituées se multiplièrent autour des temples, dans les rues et dans les tavernes. Ainsi, Ourouk, la ville d'Inanna, était renommée aussi bien pour les diverses catégories de femmes dont les activités étaient partiellement ou intégralement vouées à la prostitution que pour les diverses variétés d'invertis et de travestis, les deux associées ès qualités aux cultes locaux. Nanaya, autre déesse d'Ourouk, était clairement associée à l'érotisme et à la sexualité tarifée : « Si je suis droite contre le mur, c'est un sicle ; si je me penche, c'est un sicle et demi ». Toutefois, il ne manquait pas de péripatéticiennes qui travaillaient en indépendantes dans les rues, le long des quais ou à l'ombre des murailles. Les prostitué(e)s avaient en commun avec les humains consacrés aux dieux qu'ils échappaient au cadre familial et à ses règles sexuelles, mais le mariage ne leur était pas interdit, même si c'était une union que désapprouvait l' « homme sage » (il déconseillait d'ailleurs tout autant tout mariage avec une femme rencontrée lors de fêtes et spécialement parée à cette occasion). Pourtant, l'importance sociale et le rôle positif de la prostitution apparaissent bien dans l'Epopée de Gilgamesh où une femme, appelée « Epanouie », séduisit Enkidou, et, de brute sauvage qu'il était, en fit un homme ! Enkidou, à l'approche de la mort, maudit la prostituée qui l'avait arraché à l'innocence de sa vie première, puis, prenant en compte le bien qu'elle lui avait somme toute apporté, revint sur sa malédiction. Pour la Bible, les femmes mésopotamiennes aux mœurs dévoyées et les despotes efféminés étaient la négation même de la différence entre les sexes et donc la négation de la société et de la civilisation. Les fondateurs de la religion hébraïque voulurent rejeter le culte des idoles qui se manifestait, notamment, par la prostitution sacrée : ils furent donc amenés à proscrire toute prostitution sacrée pour les « filles d'Israël ». Mais les textes montrent le peu d'efficacité des interdictions car des prostitués, hommes et femmes, liés au Temple, sont évoqués de multiples fois, à propos du fils de Salomon ou du roi Josias, par exemple (le roi Josias, vers -630 « ordonna de retirer du sanctuaire de Yahvé tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal, pour Ashéra et pour toute l'armé du ciel. Il démolit la demeure des prostituées sacrées, qui était dans le temple de Yahvé »). La prostitution vénale existait aussi (évoquant la prostitution, le livre d'Ezéchiel précise dans un langage très cru comment la femme dite de mauvaise vie « raffolait d'amants dont le membre viril égalait celui d'un âne et la décharge celle d'un cheval »), les hommes avaient facilement recours aux prostituées et n'étaient accompagnés d'aucun jugement moral négatif (les livres de sagesse répètent à qui mieux mieux le conseil d'éviter celles qui vous prendront dans leurs filets pour vous dépouiller de tous vos biens, mais les recommandations sont du domaine de la prudence, non du respect des personnes, et la prostituée est un personnage bien présent dans le monde de la Bible) : dans ces sociétés, la sexualité était un comportement humain, comparable aux autres recherches de plaisir, donc tout à fait normal. La prostitution ordinaire était interdite aux femmes du peuple hébreu, mais autorisée pour les étrangères (finalement, même les juives la pratiquaient, presque légalement). En fait, cette interdiction fonctionnait grâce à un tour de passe-passe, car n'était pas appelée « prostituée » la femme que son père prêtait contre de l'argent, mais seulement la femme qui était sous l'autorité d'un homme et qui, sans son approbation, vendait ou donnait ses charmes. C'était le détournement du bien d'un chef de famille qui était interdit, pas le commerce sexuel, et, au Moyen-Orient, un père pouvait monnayer les services de sa fille dès que celle-ci avait trois ans. La Bible montre de fait que les hommes avaient facilement recours aux prostituées. En Egypte, la prostitution était pratiquée sur les bords du Nil, mais elle était condamnée moralement puisqu'on attendait même d'un veuf de longue date qu'il évite ce genre de fréquentations. Pour autant, les maisons closes existaient (représentations d'accouplements collectifs sur papyrus ou tessons de poterie). Par contre, il n'y avait pas de prostitution sacrée, les relations (même intimes) entre une prêtresse et une divinité s'effectuant dans le cadre d'une relation symbolique de couple légitime. En somme, dans de nombreuses sociétés archaïques, la prostitution n'était pas mal vue et représentait pour les femmes de condition libre une source de revenus pour se constituer une dot et accéder ainsi au mariage qui était un statut recherché (ce fut par exemple le cas dans la société étrusque, où les femmes avaient pourtant des droits importants, à la grande indignation des Grecs qui reprochèrent de ce fait aux Étrusques la légèreté des mœurs de leurs femmes - en plus de leurs pouvoirs et de leur « autonomie »).

• Animateur : Qu'en était-il justement des civilisations grecques et romaines, fortement influencées par leurs prédécesseurs orientaux ?

• Historienne : Dans ces sociétés esclavagistes, seul le plaisir des maîtres existait, car il était le seul à contribuer à la puissance de l'Etat. L'esclave concourait d'ailleurs à intensifier ce plaisir. Il n'était pas condamnable, ni même répréhensible, de vendre des êtres humains : son enfant, garçon ou fille, sa mère, sa sœur, voire soi-même. Avec l'esclavage, le commerce des humains générait la recherche de personnes à prostituer : guerres, rapts, razzias de pirates et de bandes organisées fournissaient un abondant personnel aux proxénètes et à tous les amateurs dans l'ensemble du bassin méditerranéen. Dès la petite enfance on pouvait être rentable pour son propriétaire, et souvent celui-ci consacrait temps et argent afin de parfaire les qualités sociales et les compétences érotiques de ses protégés dans l'espoir d'un profit maximum (des hommes ou des femmes de bonne famille tiraient même profit de la beauté de leurs esclaves en les prostituant dans un coin isolé de leur domicile). L'histoire des plaisirs de la chair (manger, boire et faire l'amour) dans la démocratique Athènes est une étude de la jouissance des sens que procure aux hommes de la cité le marché des corps et de la table (sur les vases attiques du -Vè siècle, la représentation des ménades - ivres en permanence, jouant du tambourin et chantant la joie de chasser les chèvres -, les adoratrices et nourrices de Dionysos - dieu de l'extase et de tous les sucs vitaux dont le sperme, il est celui qui permet à ses fidèles de dépasser la mort -, est très proche de celles des courtisanes vouées au culte d'Aphrodite - déesse dérivée de la sumérienne Inanna, elle symbolise tant le plaisir de la chair que l'amour spirituel, pure et chaste dans sa beauté ; les femmes étaient tant ses victimes que ses instruments destinés aux hommes car, elle-même mariée à Héphaïstos, elle eut de multiples aventures extraconjugales). Le banquet athénien de l'époque classique, le lieu par excellence des plaisirs de la chair, avait recours à des « professionnels » des deux sexes. Les épouses et les filles de citoyens étant par leur statut exclues des festivités de l'andrôn, il était dans l'ordre des choses que les femmes admises à partager la couche des dîneurs et à contribuer à leurs divertissements soient exclusivement des « professionnelles », pornai (prostituées) ou hetairai (compagnes) rétribuées d'une façon ou d'une autre, pour leurs prestations. Rappelons tout de suite que l'érotisme masculin est à aborder dans la sphère de la consommation vénale de partenaires féminins ou masculins : l'hétérosexualité n'était pas uniquement confinée à la reproduction de l'oikos (la maison) et de la polis (la cité) et l'homosexualité masculine était aussi concernée par le marché du sexe. Même si la liaison de l'éraste, l'adulte, et de l'éromène, le pais (« l'enfant » qui n'a pas encore de poil au menton), ne relevait pas du marché des corps, mais de la paideia, de l'éducation, des adolescents apparaissent en grand nombre dans l'iconographie du banquet où ils faisaient les échansons (chargés de servir à boire aux personnages de haut rang) et le service de la table, et ils étaient, bien plus souvent que des éromènes (amants), des « professionnels » venus du marché du sexe. De leur côté, les femmes qui accompagnaient les hommes en société (fermée aux femmes honnêtes) et qui avaient reçu à cette fin une certaine éducation - dont étaient privées les femmes en général - étaient dites « compagnes ». Ces hétaïres (courtisanes de luxe) étaient de riches affranchies ou des étrangères qui faisaient, librement, commerce de leur corps. Elles circulaient librement et menaient une vie indépendante, contrairement aux femmes mariées, mais elles n'obtenaient jamais le statut de citoyennes. Comme disait un contemporain : « Les hétaïres nous les avons pour le plaisir, les concubines pour les soins de tous les jours, les épouses pour avoir des enfants légitimes (pour perpétuer le nom et recueillir le patrimoine du père) et garder fidèlement le foyer ». Les femmes étaient donc classées dans la société non par les critères sociaux, mais par leur rôle sexuel. Ainsi, dans le monde des plaisirs, à Athènes comme ailleurs, la hiérarchie des professionnelles a toujours un grand nombre d'échelons, ainsi la distinction entre pornai et hetairai devient obsolète. Ce sont toutes des prostituées. Toutefois, la première différence, essentielle, porte sur le mode de rétribution des prestations. La pornê était payée en argent par ses clients (souvent représentés sur les vases la bourse à la main !), l'hetaira recevait des cadeaux de ses hetairoi (compagnons) et de ses philoi (amis). Dans le premier cas, il y avait échange anonyme de marchandises : ce que vendait la pornê, son corps, son sexe, accessoirement ses talents artistiques, était une marchandise et elle était, elle-même, une marchandise. Cette dernière était tarifée, qu'il s'agisse de la personne (il y a des professionnelles nommées « une obole », « deux drachmes ») ou du type de passes demandées par le client, la kubda, la pénétration anale, ayant le prix standard le moins élevé. Dans le second cas, des cadeaux étaient échangés entre des personnes liées entre elles par la philia, un terme qui dit moins la relation sentimentale que l'appartenance à un groupe engagé dans des liens de réciprocité. Aux dons de ses philoi qui assuraient son entretien, l'hetaira répondait par un contre don. Le contenu et le montant du don et du contre don étaient à la discrétion des donateurs. Une hetaira n'avait pas les mêmes exigences et les mêmes gracieusetés vis à vis de tous ses philoi. Elle avait, en revanche, intérêt à ce que soit respecté ce mode de rétributions de ses prestations et à déployer toute une stratégie pour garder l'amitié hors du marché, car il y allait de son rang. Aussi, lorsqu'elle acceptait de se faire payer en argent, et que sa position dans le monde des plaisirs lui permettait de le faire, elle exigeait des sommes fabuleuses (mille drachmes pour une nuit) ce qui ne faisait qu'accroître son prestige et confirmer sa place dans la hiérarchie. Le deuxième paramètre à considérer est la nature et la durée des services demandés. Dans tous les cas, la copulation faisait partie du jeu, mais elle pouvait être associée à d'autres prestations comme le chant, la danse ou la conversation, voire des soins divers. La location pouvait être opérée par un ou plusieurs clients et sa durée pouvait aller de la simple soirée à celle d'un ensemble de festivités. Entre la pornê qui était payée à la passe et qui devait accepter tous les clients et l'hetaira qui avait un nombre restreint de philoi assidus et qui devait être « séduite » pour accorder ses faveurs, l'échelle était longue et ses degrés bien flottants. Le troisième paramètre à considérer lorsqu'il s'agit de distinguer la pornê de l'hetaira était « l'économie du regard ». A Athènes, la réclusion dans l'espace privé était le signe d'un statut (et même d'un rang social) : l'Athénienne, la fille / épouse / mère de citoyen, était dissimulée à tous les regards, à l'abri de ses vêtements et des murs de l'oikos de son père puis de son mari. L'espace de l'hetaira oscillait entre ces deux extrêmes qu'étaient l'espace public de la pornê et l'espace privé de l'épouse. La pornê était exposée aux regards de tous : son corps était dénudé (pour l'exhibition du bordel puis lors de ses prestations de musicienne et de danseuse) ; elle n'était pas rattachée à un oikos et partageait la promiscuité du bordel. L'hetaira avait une résidence personnelle, mais ce n'était pas une recluse enfermée dans la maison. Elle n'exhibait pas son corps ; au contraire, lorsqu'elle sortait, elle le couvrait pour en garder toute sa valeur. Lorsqu'une hetaira était prise comme concubine (pallakê), elle perdait son ambivalence : elle devenait une « femme de l'intérieur », traitée comme une épouse et astreinte au même comportement. L'opposition hetaira / pornê a donc été mise en place en Grèce archaïque, pendant la période où les banquets aristocratiques constituaient « une anti-cité » avec ses propres règles et ses propres conventions. Alors que la cité adoptait le système monétaire, l'anti-cité aristocratique le refusait et entendait garder l'organisation de ses plaisirs hors du marché. Situer les échanges entre l'hetaira et ses hetairoi dans le champ du don et du contre don relèverait donc plus du politique que de l'économique. Selon le droit athénien, l'homme libre qui se prostituait (dans une relation homosexuelle, comme prostitué ou comme courtisan/amant) perdait la capacité d'exercer une fonction publique et de fréquenter les lieux publics (tout comme celui qui avait frappé ou négligé ses parents, celui qui n'avait pas pris part aux expéditions militaires ou avait jeté son bouclier, celui qui avait dévoré les biens de ses parents ou tout autre héritage), la violation de ces interdits étant punie de mort. La raison de ces règles se trouve dans le rôle social que jouait la pédérastie. On déduisait en outre de la prostitution d'un homme, l'engloutissement de son héritage, notamment par une insatiable soif des plaisirs et les dépenses que génère l'absence de maîtrise de soi. La passion de la bonne chair (opsophagia), des joueuses d'aulos, des courtisanes et du jeu, amène à accepter de s'installer chez son amant pour jouir de tout cela gratuitement et toucher un misthos, devenant de fait un courtisan hetairikos. Ce genre de citoyen était considéré comme un prostitué parce qu'il faisait commerce de son corps et comme un « efféminé » parce qu'il était insatiable dans sa quête des plaisirs. Ce qu'on lui reprochait n'était pas son comportement sexuel mais sa situation de dépendance vis-à-vis des amants chez lesquels il s'était installé, une situation qui était celle d'une femme vis-à-vis de son mari, entretenu par autrui parce que son corps ne lui appartenait plus et parce qu'il avait perdu toute liberté de parler et d'agir. Ainsi, la métamorphose d'un amant devenant homme après avoir été femme n'a rien de sexuel, elle est simplement dû à un changement de situation économique et de position sociale : après avoir été entretenu par un amant, le prostitué/courtisan devient à son tour suffisamment riche pour entretenir à son tour un amant. Mais un hetairikos citoyen qui impose à son amant des dépenses considérables dans la vie privée doit nécessairement le payer de retour dans la vie publique. Comme le « parasite » (le asumbolos, qui ne paye pas son écot) avec son « sponsor », l'hetairikos entretient avec son amant une relation de dépendance politique, ailleurs on dirait de clientèle. Cela aboutit dans tous les cas à la même conclusion : comme l'avait prévu le législateur, la prise de parole d'un débauché qui s'est vendu à ses amants ne peut rien apporter de bon à la communauté. Parallèlement à cela, la prostitution féminine n'était pas punie, car elle remplissait une fonction socialement utile (rempart contre l'adultère). L'offre et la vente des corps se déroulaient dans des lieux publics, rigoureusement séparés de l'espace privé de l'oikos (la maison) et considérés comme des zones de commercialisation, des espaces magiques qui transforment les humains en produits. C'étaient évidemment les rues de la cité où les épouses, « les femmes mariées selon les règles » et soucieuses de leur réputation, ne s'aventuraient que par nécessité et cachées sous un épais manteau. C'était là que déambulaient en revanche, s'offrant à tous les regards, des troupeaux de péripatéticiennes (prostituée qui arpente le trottoir, par allusion plaisante au verbe grec signifiant se promener, qui inspira les péripatéticiens, les partisans de la doctrine d'Aristote qui apprenaient en marchant et en regardant la vie autour d'eux) : gephuris (fille des ponts), dromas (coureuse), peripolas (vagabonde)... Les murs, les portes, les places et le port de la cité étaient particulièrement fréquentés. Il semble que le quartier du Céramique avec sa porte (le Dipylon), son cimetière et ses jardins était un haut lieu du commerce du sexe. Parmi les racoleuses de l'espace public, les auletrides, les joueuses d'aulos (une sorte de hautbois), étaient les moins chères et les plus méprisées même si certaines d'entre elles parvinrent à s'élever dans la hiérarchie de la prostitution. Elles pouvaient en effet être distinguées dans des « écoles de musique », sans doute sans grande qualité artistique, mais très prisées par un public masculin assidu. Les rues d'Athènes étaient dures : les bagarres pour se procurer une professionnelle étaient très fréquentes et les dîneurs se disputaient particulièrement les « musiciennes » indispensables à leur fête. Pour canaliser les pulsions naturelles des jeunes gens et protéger les femmes mariées, Solon (le grand démocrate) fit l'acquisition de femmes esclaves, les installa dans différents quartiers de la cité (près des remparts ou dans les quartiers populeux) pour les offrir à tout le monde dans le cadre d'établissements municipaux (même si très vite purent s'ouvrir des établissements privés, soumis à autorisation et redevables de taxes). Protégées par les autorités, les maisons publiques versaient en échange une redevance, le pornikon. Avec cette taxe, Solon fit construire un temple à Aphrodite Pandémos (l'Aphrodite commune à tous ; au-delà de ça, la prostitution sacrée était pratiquée auprès de certains temples et à leur profit), patronne des plaisirs tarifés. Pour que l'ordre public soit respecté, les astynomoi, les dix magistrats qui en étaient chargés, devaient veiller à l'application de la loi : les joueuses d'aulos et autres musiciennes ne devaient pas profiter de la compétition dont elles étaient l'objet pour faire monter les prix. En effet, le prix forfaitaire pour une nuit ne devait pas dépasser deux drachmes et si des hommes se disputaient la même professionnelle, cette dernière était tirée au sort sans être consultée. Celui qui payait plus était passible d'une eisangélie, une action judiciaire qui concernait les délits politiques. Dans une cité démocratique, le marché du sexe devait être ouvert à tous, sans distinction de fortune ! Ainsi, le bordel était un « lieu public » où se pratiquait légalement le commerce du sexe féminin. Le terme normal pour le désigner depuis Solon est ergasterion, atelier (non pas que du sexe, car il était aussi un atelier de filature et de tissage ce qui doublait sa rentabilité). Des hommes (et des femmes) sont quelquefois décrits comme « assis dans un oikêma », une stalle (siège de théâtre, mais aussi espace limité par des cloisons, notamment réservé à un cheval dans une écurie) individuelle dont la porte s'ouvre directement sur la rue, ce qui laisserait supposer qu'il s'agissait d'une institution légèrement différente de celle du bordel (mais que la porte soit modestement fermée ou ouverte pour un « show », la profession de l'occupant ne faisait pour le passant aucun doute). La forme la plus dépréciée de prostitution était celle que pratiquaient les femmes en se vendant au bord des routes ou dans les bordels. C'était notamment le cas des pornai, des prostituées de basse condition. Ce nom vient du verbe « vendre », car les prostituées étaient au départ des esclaves achetées sur le marché par des proxénètes femmes et installées dans de petites cellules qu'un simple rideau fermait pendant la passe. Pour autant, les esclaves pouvaient espérer (pour certaines d'entre elles, les plus belles et talentueuses) changer de statut, passer de la condition d'esclave à celle d'affranchie : c'était alors pour une prostituée accéder à la propriété, propriété de son corps, propriété de ses biens et propriété de ses enfants qu'elle pouvait désormais garder si elle le désirait. Comme en Grèce, la prostitution (du latin « prostituere » : mettre devant, exposer au public) était tolérée à Rome tout en faisant l'objet d'une réprobation sociale. Pour autant Caton l'Ancien (homme de la République pourtant réputé pour sa sévérité), disait à des mâles sortant du lupanar : « Bravo ! Courage ! C'est ici que les jeunes gens doivent descendre, plutôt que de pilonner les épouses des autres » (à Rome, les dicterions - lupanars - étaient considérés comme lieux d'asile et, par la suite, reconnus inviolables ; dans leur enceinte, les hommes mariés ne pouvaient y être accusés d'adultère, un père ne pouvait y chercher son fils pas plus que le créancier poursuivre son débiteur) ; de même, après la morosité du règne augustéen, les mœurs se libérèrent brutalement pendant les premières années du règne de Tibère et on vit même un sénatus-consulte de 19 se plaindre, entre autres « déviances », qu'aucune fille libre de moins de 20 ans n'avait le droit de se prostituer contre un salaire. La prostitution, très fréquente et totalement admise (rejetée certes, mais tolérée quand même) puisqu'aucun homme ne se cachait pour aller au bordel, était peu onéreuse. A Rome, les professionnels (femmes ou hommes) se rencontraient dans les lieux publics tels que les forums, les portiques, les théâtres, les auberges et bien sûr les lupanars (du mot « louve », le surnom des prostituées ; leurs chambres étaient ordinairement construites sous terre et voutées, fornix, d'où est dérivé le mot fornication). Les maisons closes étaient encadrées par l'Etat au nom de l'intérêt public (pour éviter que les jeunes gens ne se ruent sur les femmes mariées). Au-delà des créatures aussi vénales qu'affolantes qu'étaient les courtisanes de comédie, ou encore ces figures de « demi-mondaines » (que célébraient les poètes), sans parler des princesses impériales (comme Julie ou Messaline, dont les historiens anciens dénonçaient à plaisir les incartades sexuelles la nuit dans Rome), les hommes eux-mêmes étaient accusés de se prostituer comme César et son ami Mamurra dont Catulle prétend qu'ils disputaient leurs clients aux filles des rues. Toutes ces figures peuplent la Rome imaginaire de nos contemporains, dont ils font volontiers une société orgiaque et « décadente ». Toutefois, le mot de prostitution renvoie tantôt au commerce réel des corps tantôt à des pratiques sexuelles transgressives par rapport aux normes de la société romaine. Les rapports économiques à Rome, en effet, comme dans bien des sociétés traditionnelles, pouvaient relever soit du don et du contre-don, soit de l'échange marchand. Dans le premier cas les services sexuels étaient inclus à Rome dans des relations de clientèle (il s'agissait d'un officium, d'un « devoir », de l'affranchi(e) à son ancien maître), dans l'autre il s'agissait d'une véritable prostitution, d'un commerce monnayé. À cela s'ajoutait une autre situation économique : celle de l'esclave qui était une marchandise et dont le corps était à la disposition de son maître (les lois condamnant les maîtres qui prostituaient leurs esclaves étaient si peu efficaces qu'elles furent souvent reproclamées du Ier au IVè siècle). La prostitution ainsi définie (limitée aux seuls échanges marchands des corps) pouvait être le fait soit d'esclaves, loués par leur maître, soit d'affranchi(e)s, soit d'hommes et de femmes libres car nés libres (ceux que les Romains appellent ingenui), des ingénu(e)s qui vendaient leurs prestations sexuelles. En fait les seul(e)s prostitué(e)s dont le droit et la morale se souciaient étaient les ingénus, faisant commerce de leurs corps de façon ouverte et notable. En effet, d'une façon générale l'impudicitia volontaire et en particulier la prostitution, ne pouvait déshonorer qu'un homme ou une femme susceptibles d'être honorables, ce que n'étaient pas les affranchi(e)s. Finalement la prostitution au sens strict était à Rome quantitativement moins importante que dans nos sociétés égalitaires et démocratiques. Et elle n'était problématique que pour les prostitué(e)s ingénu(e)s. Puisque des corps serviles, ou affranchis, masculins et féminins étaient disponibles en grand nombre, aussi bien dans les demeures des hommes libres que dans les maisons de prostitution, comment se fait-il que des femmes nées libres aient renoncé à leurs privilèges et statut de matrones ? Comment se fait-il aussi que la société ait institutionnalisé ce renoncement en prévoyant d'enregistrer officiellement ces prostituées d'origine libre ? La réponse à cette question tient à la place et la nature des loisirs (otium) voluptueux dans la vie romaine et au coût des plaisirs qu'ils imposaient. C'est pourquoi penser la prostitution romaine doit se faire d'abord en termes de dépenses somptuaires. D'ailleurs les Romains ne censuraient jamais l'usage des prostitué(e)s proprement dit(e)s pour des raisons morales mais prétextaient toujours de raisons économiques : payer des prostitué(e)s menaçait les patrimoines comme toutes les autres dépenses en argent destinées aux plaisirs de l'otium (trop d'hommes libres donnèrent tous leurs biens à une courtisane au point que le droit interdit les legs en leurs directions). Malgré le blâme moral adressé aux prodigues excessifs, les dépenses destinées aux plaisirs de l'otium et en particulier l'argent payé aux prostitué(e)s étaient à Rome une nécessité culturelle, la culture du plaisir étant constitutive de l'otium. En effet, il était convenu au sein de la culture romaine que les jeunes hommes non mariés pouvaient et devaient s'adonner aux divers plaisirs associés au banquet : le vin, la bonne chair et les filles (ou les garçons). Ces plaisirs juvéniles n'avaient pas lieu, en général, dans la maison du père mais dans les maisons de prostitution à cause de leur caractère exceptionnel et excessif. Un ou une esclave assez joli(e) pour n'être qu'un objet de plaisirs coûtait trop cher pour être présent(e) dans de nombreuses maisons, et les multiplier menait à la ruine. C'est pourquoi la cité avait besoin de prostitué(e)s pour ses plaisirs. Ainsi à côté de la population servile toujours sexuellement disponible, les Romains faisaient appel à des prostitué(e)s libres afin de donner une dimension somptuaire, luxueuse, indispensable aux plaisirs raffinés qui constituait ce pôle indispensable de la vie civilisée qu'était l'otium urbanum, les loisirs de la ville. Les prostitué(e)s appartenaient donc à la population urbaine et étaient des composantes indispensables à la civilisation telle que la concevaient les Romains, au même titre que le vin, la musique, la cuisine, les parfums et tous les autres plaisirs du banquet. La prostitution était donc une pratique non pas sexuellement mais culturellement nécessaire à Rome. Le système symbolique de Rome servait à représenter l'érotisme des corps libres, féminins et masculins. Alors que la cité marquait d'infamie ces hommes et ces femmes nés libres se livrant à la prostitution (les privant du droit d'hériter aussi bien que de porter plainte pour viol ou insultes, créant ainsi une catégorie inférieure de citoyens), ils exerçaient une fonction précise. Ces « parias » de la société romaine, toujours « efféminés », servaient à marquer les marges de l'humanité civilisée dans la continuité, à définir les hommes, libres et adultes et donc « masculins », par ce qu'ils ne sont pas mais ce qu'ils pourraient par malheur être, devenir des « efféminés » ou leur équivalent, des prostituées libres. Les prostitué(e)s libres assumaient donc une fonction symbolique qui était d'être l'autre du soldat comme l'acteur est l'autre de l'orateur. Un épisode du mythe de Romulus et Rémus est associé à ce rituel : les jeunes Luperques reproduiraient les deux jumeaux, guerriers et bergers nomades, avant la fondation de la Ville, élevés sur un Palatin encore sauvage par une prostituée, lupa (Accia Laurentia, à qui la beauté de ses formes et la voracité de son appétit charnel avaient attiré cette qualification de la part de ses voisins), compagne d'un berger, après avoir été allaités bébés par une véritable lupa-louve. Le loup figure la vertu militaire, le corps sacré du jeune soldat, la louve incarne le corps prostitué de l'un ou l'autre sexe. Que la louve soit devenue l'animal emblématique de Rome montre comment était centrale la figure de la prostitution (féminine ou masculine indifféremment) à Rome : elle structurait l'espace féminin et urbain, en s'opposant à la matrone domestique, et l'espace masculin de la guerre en s'opposant au soldat (d'ailleurs, une fois par an, les femmes de la noblesse romaine étaient obligées de s'offrir au premier venu pour le prix qu'ils décidaient ; de même, bien que les filles publiques portaient une toge ouverte sur le devant et une mitre jaunes, couleur de la honte et de la folie, leurs chaussures étaient rouges jusqu'à ce qu'Adrien réservât cette dernière couleur aux seuls empereurs - sous l'aspect du pourpre, couleur très chère car issue du coquillage murex). L'empire byzantin, héritier de Rome, continua longtemps de tolérer les formes les plus visibles de prostitution (il faut rappeler que dans le domaine familial, l'usage oriental d'offrir les esclaves de la maison aux hôtes de passage était un gage d'hospitalité), puisqu'il existait même à Constantinople un théâtre appelé Pornas où l'on donnait des spectacles débridés. Ainsi, Théodora (508-548), élevée dans un porneion (une maison de prostitution) puis membre d'un groupe de comédiens légers, usa de ses charmes pour s'élever dans la société, obtenant même en 524 l'abrogation de la loi qui interdisait à un patricien de se marier avec une actrice (elle étant plus qu'à fond dans son rôle de courtisane ... d'infanterie). Elle devint ainsi la femme du futur empereur Justinien et influença alors la vie politique pendant plus de vingt ans, poussant son mari à diriger l'Etat d'une main de fer. Mais elle n'oublia pas son passé, car en matière de prostitution, son grand empereur de mari fut très innovateur. Il stipula en 531 dans son Corpus Juris Civilis que tous les proxénètes tels les souteneurs et les maquerelles (de macalrellus : dans les anciennes comédies à Rome, les proxénètes de la débauche portaient des habits bigarrés ; ce nom n'a été donné à l'un de nos poissons de mer - maquereau - que parce qu'il est bariolé de plusieurs couleurs sur le dos) seraient punies sévèrement s'ils étaient trouvés coupable de pratiquer ces métiers. Pour la première fois, une loi s'attaquait aux problèmes de la prostitution par ces racines. Par le fait même, les lois interdisant aux ex-prostituées de se marier furent également abolies. Mais ce code de loi ne faisait pas allusion aux prostituées elles-mêmes. En fait, cette loi visait essentiellement à faire sortir les prostituées des maisons closes. Afin de réussir son projet, il devait évidemment faire plus, c'est pourquoi il mit sur pied le premier centre de réadaptation sociale, nommé Metanoia qui voulait dire se repentir. Mais malgré ces efforts considérables, le programme fut un échec. De quoi confirmer la réputation de Byzance, cette cité du vice et de la perversion.

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